Les Roms que l'on redit "indésirables"
Durant la Deuxième Guerre mondiale, le régime collaborationniste de Vichy les dénommait "nomades", alors que beaucoup étaient sédentarisés. Dès son coup d'état contre la République, Pétain les assigne à résidence surveillée. La patrie pure, qu'il appelle de ses voeux, doit être débarrassée de ses scories galeuses: nomades, communistes, juifs, francs-maçons, partisans du Front populaire. Puis, la police et la gendarmerie arrêtent les nomades sous le vocable "d'indésirables", pour les enfermer dans des camps. Les Allemands, dès le 4 octobre 1940, avaient ordonné qu'ils y soient "transférés et surveillés par des policiers français".
Les autorités pétainistes s'exécutent avec zèle. Le préfet de Seine-et-Oise signale à Vichy que "125 romanichels sont internés, reflués des départements côtiers" à Linas-Montléry; lesdits indésirables sont "sous le contrôle des autorités allemandes", c'est à dire toujours gardés par des gendarmes français mais considérés comme otages. Le même préfet fait rechercher dans le Pas-de-Calais Eugénie S., "nomade soumise à résidence fixe" à Limay, ville où elle habite et qui s'en est échappée; il demande à son homologue du Pas-de-Calais de l'arrêter et de la conduire au camp d'internement d'Aincourt. D'autre part, le caractère racial de l'internement est flagrant; les archives départementales du Maine-et-Loire révèlent qu'il faut "retenir les individus, nomades ou forains, de type romani".
Les Tsiganes de France vont donc être enfermés dans des camps, hommes, femmes et enfants mêlés, sans soin ni hygiène, sans vêtements chauds pour passer l'hiver, sans école pour les gosses. Ils sont peu nourris mais astreints à travailler, pour presque rien, chez les paysans ou dans les entreprises des alentours. Certains, désignés comme otages par les autorités vichystes à l'occupant allemand, ne reviendront pas de leurs wagons plombés.
En Europe de l'Est, particulièrement en Hongrie et en Roumanie, états alliés de l'Allemagne hitlérienne, sur 700 000 Tsiganes plus ou moins recensés, 300 000 à 400 000 seront exterminés par les nazis comme "asociaux".
Les camps français ne délivrent pas leurs prisonniers à la libération de la France. 923 Tsiganes sont encore internés en avril 1945 et le décret les assignant à résidence n'est abrogé qu'au mois de mai.
Depuis la chute du mur de Berlin, la démocratie, la fraternité et l'égalité ne sont pas toujours au rendez-vous de l'Histoire. Les Roms sont traités de parias, pris comme boucs émissaires dans des pays en crise profonde, notamment en Hongrie et en Roumanie d'où ils sont originaires et sédentarisés. Les milices d'extrême droite paradent au grand jour et font force de loi dans certaines communes. Alors, des Roms prennent la route et vont errer ailleurs, en quête d'un peu de soleil. Certes, je n'excuse pas les actes délictueux dont parfois ils se rendent coupables, mais la misère la plus noire n'en est-elle pas le facteur principal?
A Bucarest, des jeunes Roms ont bravé l'opinion publique. Ils ont défilé dans la capitale roumaine, palettes de couleurs et de sourires, pour exprimer qu'ils sont nés ici, pour clamer aussi leur dignité, leur diversité et leur culture somme toute européenne et pas originaire d'une autre planète.
Quelques jours après, l'avocat sarkozyste Arno Klarsfeld, nouveau président de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, s'est rendu à Bucarest pour assurer le service après-expulsion des quelque 10 000 Roms que la France a renvoyés. "J'ai vu des familles de 8 enfants qui vivent dans une pièce. Ce n'est pas bien. On ne fait pas 8 enfants quand on n'a qu'une pièce", a-t-il déclaré.
Le fils d'un célèbre chasseur de nazi n'a plus ni mémoire ni aucune honte.
Mais vous, Roms, Manouches, Tsiganes, Gitans, Gens du voyage ou peu importe comment vous vous dénommez vous-mêmes, vous êtes des êtres humains et donc nos frères.
L'ami de Nicolas Sarkozy a définitivement oublié cette évidence. Je ne chercherai pas à le raisonner. Il a choisi son camp qui ne sera jamais le mien.