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Auguste Goust, hier figure politique dans le Mantois
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Une rue principale de Mantes-la-Jolie porte son nom dès l'entrée de la ville côté Vexin français, après le pont de Limay. Mais qui était Auguste Goust?
Au milieu du XIXe siècle, l'implantation du chemin de fer dans le Mantois bouleverse son tissu économique. A partir de cette époque, des activités industrielles se concentrent le long des voies ferrée et s'embranchent au rail. Et toutes les gare, jusqu'à la plus petite, possèdent un triage de marchandises.
Les industries appellent des ouvriers pour faire tourner leurs activités. La première est l'industrie ferroviaire avec sa corporation inconnue dans le Mantois, celle des employés des Chemins de fer de l'Ouest.
Mais ce nouveau métier va également engendrer le syndicalisme dans la région. Les travailleurs du rail sont les premiers à s'organiser en syndicat dès 1896. Et ils ont contribué à fonder l'Union fraternelle des syndicats ouvriers de l'arrondissement de Mantes en 1908.
L'un d'eux, Auguste Goust, fut maire de Mantes-la-Jolie de 1908 à 1941 et député de la circonscription de 1914 à 1919 et de 1923 à 1928. Mais Auguste Goust (1859-1949) fut aussi syndicaliste éminent, membre de la loge maçonnique Liberté pour le travail, ou simplement cheminot avant sa longue carrière politique de plus de 34 années?
D'abord un cheminot épris de justice sociale
Auguste Goust naît à Poissy le 10 janvier 1859 dans l'ancienne Seine-et-Oise. Grâce à de bonnes études au sein de l'Orphelinat de Saint-Germain-en-Laye, il entre dans l'administration des Impôts. Mais il la quitte pour les Chemins de fer de l'Etat, après avoir réussi le concours de commis-principal de bureau. Il va adhérer au Syndicat national des employés des chemins de fer de France et des colonies affilié à la CGT.
Instruit et bon orateur, son prestige grandit au sein de sa corporation qui le désigne comme représentant du personnel au Conseil d'administration des Chemins de fer de l'Etat de 1908 à 1912.
Il devient aussi le trésorier de la Société de la prévoyance mutuelle des employés des chemin de fer. Syndicaliste et mutualiste, Auguste Goust se prononce pour un régime de retraite spécifique aux cheminots.
Coopérateur et dirigeant syndicaliste dans le Mantois
Ecouté chez les cheminots, Auguste Goust ne l'est pas moins dans le mouvement ouvrier du Mantois. Au début, il a pour parrain le luthier Périer, dont il a épousé la fille et qui fut candidat malheureux de la gauche aux élections municipales de 1904 à Mantes-la-Jolie. Auguste Goust fonde la Solidarité Mantaise, coopérative ouvrière à but non lucratif qui recense plus de 300 sociétaires en 1905 .
A cette époque, le mouvement syndicaliste régional se divise entre anarchosyndicalisme et réformisme, ce dernier courant majoritaire dans la CGT. Dans la région, on songe à fédérer tous les syndicats dans une même organisation. Les discussions sont vives et une première tentative, dirigée par des anarchosyndicalistes, échoue en 1905. Les statuts de l'Union fraternelle des syndicats ouvriers de l'arrondissement de Mantes sont toutefois déposés à la mairie de Mantes-la-Jolie, le 10 mars 1908, sous l'impulsion d'Auguste Goust, son premier président ; cette union ne rassemble que le courant réformiste : cheminots, luthiers, métallurgistes, maçons et ouvriers boulangers, qui sont les syndicats les plus nombreuses en adhérents.
Un esprit laïque convaincu
Le Journal de Mantes, qui soutient l'action politique d'Auguste Goust, publie sa profession de foi, lors des élections municipales du 3 mai 1908: "La loi sur la séparation de l'Église et de l'Etat est encore proche et l'école est au coeur de la lutte. Il faut que vous choisissiez, pour assurer l'exécution de cette loi républicaine qui ne veut plus voir en France deux jeunesses ennemies: l'une élevée par nos institutions républicaines dans l'esprit de discussions et de respect de la loi; l'autre étouffée par les dogmes asservis à des maîtres sous la domination de Rome et en insurrection ouverte contre le gouvernement de la République."
Une très longue carrière politique
Réformiste dans ses convictions syndicales, Auguste Goust le reste en adhérant au Parti radical-socialiste. Et avec l'appui du sous-préfet, soutenu par le Journal de Mantes, fort de son aura parmi le mouvement ouvrier et les Francs-maçons, Auguste Goust se présente à l'élection municipale partielle du 27 octobre 1907. Il est élu conseiller municipal d'opposition contre la majorité de droite.
Mais lors de l'échéance normale des élections municipales fixées au 3 mai 1908, Auguste Goust devient maire de Mantes-la-Jolie avec une majorité de conseillers à ses côtés. Mais premier signe de son louvoiement futur, l'adoption de deux motions lors du premier conseil municipal: une adresse de sympathie au gouvernement radical-socialiste, votée par les élus de gauche; la seconde, établie en réplique par la minorité de droite, à l'adresse des troupes coloniales françaises au Maroc, adoptée avec des suffrages de gauche.
S'il démissionne de la présidence de l'Union fraternelle des syndicats ouvriers de l'arrondissement, Auguste Goust ne renie pas celle-ci pour autant. Il lui fait obtenir en 1908 une Bourse du travail dans un ancien couvent, local municipal suite à la séparation de l'Église et de l'Etat. Il intercède auprès du ministre du Travail pour que s'établisse un conseil de prud'hommes à Mantes et dont les premières élections auront lieu en 1913. Ainsi, il est indéniable que Bourse du travail et conseil de prud'hommes furent deux clés essentielles pour l'émergence durable du syndicalisme dans la région. Mais, lors de la grève générale des cheminots d'octobre 1910, sa position est équivoque en soutenant le mouvement et en exhortant les grévistes à reprendre le travail dès que le gouvernement les réquisitionne. Le mouvement ouvrier ne semble pas lui en tenir rigueur, puisqu'il est réélu maire en mai 1912. ce qui fait dire au Journal de Mantes: " Si l'idée démocratique a suffisamment progressé au cours de ses quatre années, pour permettre ce résultat, c'est encore au maire de Mantes que nous le devons; c'est lui qui a organisé les ouvriers et qui a appris à certains timorés à connaître les travailleurs dont la mentalité est autrement féconde que celle de certains bourgeois, ignorants et égoïstes, habitués à s'évaluer d'après leur nombre de sacs d'écus".
Cependant, aux élections législatives de 1914, Auguste Goust rencontre à sa gauche un candidat dit "socialiste unifié" aux idées chères à Jean Jaurès.
Auguste Goust est élu député de Seine-et-Oise dès le premier tour; "La Démocratie de l'arrondissement fête son élu" titre le Journal de Mantes, qui décrit l'immense banquet de la victoire, servi dans l'Ile-aux-Dames par le buffetier de la gare: plus de 1 000 convives dont les élus et dirigeants radicaux-socialistes du département. Et le sous-directeur des Chemins de fer de l'Etat, présent à ces agapes, d'apporter, au nom du Directeur général à Auguste Goust, "le salut affectueux des cheminots".
Battu aux législatives du 16 novembre 1919, Auguste Goust est réélu maire le 30 du même mois, aucune liste ne se présentant contre la sienne à majorité commerçante et libérale. Et il recouvre son siège de député en 1923. Lors de la grève générale des cheminots de 1920, malgré des discours enflammés devant les grévistes, il est timoré dans ses interventions au gouvernement et le soutien de son conseil municipal à la grève. Cette fois, des velléités locales voient le jour à son encontre. Et aux municipales de 1925, une liste dite de "bloc ouvrier et paysan", aux sympathies communistes reconnues, l'affronte, avec 17 candidats dont 9 cheminots. Il est cependant réélu maire comme chef de file de "l'Union des Gauches et des intérêts communaux".
En 1936, il soutient Gaston Bergery à la députation; celui-ci est élu député radical du Front populaire, après le désistement en sa faveur du PCF et de la SFIO. Auguste Goust semble gauchir son discours; le conseil municipal de Mantes, le 13 février 1937, vote la construction d'une nouvelle Bourse du travail, considérant que les locaux actuels sont insuffisants, étant donné "les mouvements sociaux qui se sont produits depuis juin 1936", avec pour résultat "le développement des syndicats actuels", la "création de nouveaux syndicats et l'augmentation du nombre de syndiqués". Une convention à durée illimité scelle l'accord entre la municipalité et l'Union locale CGT de la région mantaise.
Auguste Goust, franc-maçon
C'est à ce titre qu'il va être déchu de son mandat de maire. Mais le "vainqueur de Verdun" déteste les partisans de "l'anti-France": francs-maçons, juifs, syndicalistes, républicains, gaullistes ou communistes.
Mais auparavant, lorsque le dernier gouvernement de la 3e République dissout l'Union locale CGT et déchoit les conseillers prud'homaux aux sympathies communistes, l'ancien syndicaliste ne dit rien. Même silence quand la police de Vichy fait arbitrairement interner des cheminots à Aincourt ou ailleurs.
Le 11 janvier 1941, la France étant rentré en collaboration avec Allemagne nazie, il ne démissionne pas du conseil municipal qu'il préside, quand 6 de ses conseillers le font. Le 25 juillet, il est le maire de Mantes désigné par Vichy pour administrer la ville. Il adresse "au chef de l'Etat, le maréchal Pétain, avec nos respectueux hommages, l'assurance de notre bonne volonté de contribuer dans toute la mesure de nos moyens et dans notre rôle d'administrateur, au relèvement de la France". Mais le 26 octobre de cette même année, un arrêté du gouvernement le destitue en tant que franc-maçon.
Après la libération du Mantois, la démocratie reprend ses droits. Le Comité clandestin de libération, dirigé par le communiste René Martin, propose de rétablir Auguste Goust dans sa charge de maire dans l'attente des élections municipales. Le 24 septembre 1944, Auguste Goust préside un conseil municipal composé de partis et organisations n'ayant pas collaboré avec Vichy ou les Allemands.
Les élections municipales du 20 avril 1945 donnent un communiste comme maire à la ville de Mantes: Claude Gilliet, ancien cheminot. Auguste Goust est élu sous l'étiquette socialiste. En tant que doyen d'âge, il préside l'installation du conseil municipal élu, constatant dans son discours avec satisfaction "la victoire des républicains laïques".
Auguste Goust décède à Mantes le 28 janvier 1949, à près de 90 ans. Une foule nombreuse assiste à ses obsèques, sans doute parce qu'en dépit de ses contradictions et de ses voltes-faces, il laissait dans l'esprit de la population l'image d'un bon administrateur de leur ville.