La Bourse du travail de Mantes-la-Jolie et la guerre d'Algérie
Depuis toujours, l'Union locale CGT de la région mantaise fait sienne l'inscription "République du Travail" gravée sous le buste de la Marianne coiffée du bonnet révolutionnaire, situé dans la Bourse du travail. En 1956, l'Union locale CGT est dirigée par Louis Racaud, cheminot et adhérent du PCF.
Le 29 novembre 1955, le gouvernement de droite présidé par Edgar Faure obtient la dissolution de l'Assemblée nationale. En vue des élections législatives, dans les entreprises de la région, est distribué l'appel de la CGT pour le "rassemblement des forces de gauche en vue d'une réalisation d'une politique économique et sociale favorable à l'ensemble de la classe ouvrière". Des comités de base pour former ce nouveau Front populaire, se créent dans les bastions de la CGT du Mantois, comme dans les lutheries, à la SNCF, chez Dunlop, à la Cellophane ou chez Sulzer.
Et les élections législatives à la proportionnelle départementale du 2 janvier 1956 donnent une majorité aux partis de gauche contre les 214 députés de la droite sortante: 150 députés du PCF (+ 47), 172 députés du Front républicain (-28) dont 94 socialistes. Cependant, l'extrême droite poujadiste entre à la Chambre des députés avec 52 élus dont JM Le Pen.
Appel pour un nouveau Front populaire
La direction nationale de la CGT du 11 janvier 1956 revendique un nouveau Front populaire avec un gouvernement "s'appuyant sur toutes les forces de gauche sans exclusive". Sous-entendu le PCF.
Mais Guy Mollet, dirigeant national socialiste, devenu chef du gouvernement, refuse l'entrée des communistes à ses côtés. Mais son programme s'articulant sur des promesses sociales et la paix en Algérie, les députés PCF lui accorde leur confiance. Ils votent les "pouvoirs spéciaux" pour la Paix en Algérie le 12 mars 1956. Mais pas de Paix en Algérie avec l'envoi massif du contingent pour pacifier les deux départements algériens dans lesquels les populations indigènes n'ont aucun droit.
Le général de Gaulle proclame être "en réserve de la République" et Guy Mollet, redevenu dirigeant national des socialistes, le rencontre à Colombey-les-deux-Eglises et se rallie à lui en 1958. Depuis Alger, le général Salan en appelle au retour de de Gaulle au pouvoir, tandis que des chefs militaires constitue un "Comité de salut public" insurrectionnel en Algérie contre la République. René Coty, président de la République annonce mettre fin à ses fonctions si de Gaulle n'est pas investi.
Ce dernier est alors investi par la Chambre des députés comme chef du gouvernement le 1er juin 1958. Débutent un pouvoir personnel et une politique réactionnaire dont le socialiste Guy Mollet est l'un des ministres.
Quelques années plus tard
"Imposez la négociation loyale avec le Gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA)", titre le bulletin de la CGT de Seine-et-Oise en ce début d'avril 1961. En effet, le gouvernement français tergiverse dans les pourparlers avec les délégués algériens, tandis que l'OAS factieuse poursuit son oeuvre de mort en Algérie et en France.
En réponse à ses activités sanglantes, un Comité antifasciste se reforme à Mantes en 1960, avec la Bourse du travail comme point central. Un meeting commun à toutes les organisations favorables à l'indépendance de l'Algérie se tient dans la grande salle de réunion le 27 octobre 1960. Et la manifestation dans les rues se déroule dans le plus grand calme, écrit la presse.
1961, toujours pas de paix en Algérie. Et dans la nuit du 21 au 22 avril, les généraux Challe, Zeller, Jouhaux et Salan provoquent un putsch militaire en Algérie. En Corse, parachutistes et factieux soutiennent cette rébellion armée. S'évoque une sédition parmi certains gradés de l'armée française et un raid aéroporté sur Paris et sa banlieue.
En ce dimanche matin du 23 avril, s'organise une riposte républicaine dans le Mantois. Une permanence d'alerte est établie à la Bourse du travail. Des rondes sont organisées dans la région et l'aérodrome de Chérence est placé sous haute surveillance. Une délégation de l'Union locale CGT, dirigée par Louis Racaud, rencontre le sous-préfet pour lui demander "des armes et des moyens afin de contrer les parachutistes, les mutins et les fascistes".
Un mot d'ordre de grève national est lancé. Le 24 avril, les grévistes affluent devant la Bourse du travail. Une manifestation de plus de 2 000 personnes, républicaine et antifasciste, parcourt l'agglomération. En Algérie, les soldats du contingent, aidés d'officiers et de sous-officiers fidèles à la République, refusent d'obéir aux factieux. Mardi à minuit, la radio annonce la reddition des rebelles. Toutefois, le comité antifasciste du Mantois appelle à un meeting à la Bourse du travail pour "la Paix en Algérie".
le 17 octobre 1961, un couvre-feu est déclaré contre les travailleurs algériens travaillant en France. En région parisienne, ils bravent l'interdit et manifestent à Paris. La police du sinistre Papon, ancien collaborateur des nazis durant l'Occupation, charge: des centaines de tués dont plusieurs noyés dans la Seine. En France, les attentats criminels de l'OAS se multiplient. Une de leurs bombes explose dans Paris, mutilant atrocement une petite fille. En réponse, une manifestation est organisée à Paris le 8 février 1962. La police charge et neuf syndiqués CGT sont tués au métro Charonne; on relève aussi des centaines de blessés. Plus d'un million de personnes accompagne les victimes lors de leurs obsèques au Père-Lachaise. L'émotion est grande partout en France. Une manifestation se déroule aussi à Mantes (affichette ci-dessous). Le 19 mars 1962, un cessez-le-feu intervient en Algérie.