Emile Paris, cheminot dans la cité Buddicom, à Gassicourt, en Seine-Et-Oise
Samedi 16 et dimanche 17 septembre 2023, dans le cadre des journées européennes du patrimoine, au Musée Duhamel à Mantes-la-Jolie, une exposition sur le temps de la vapeur au chemin de fer à Mantes-la-Jolie. Avec des documents, objets et cartes postales de cette époque.
Un cheminot de cette époque: Emile Paris
Après la gare de Mantes-station, inaugurée le 3 mai 1843 par le premier train de Paris-Saint-Lazare à Rouen, se construit une seconde gare en 1855, Mantes-embranchement, aujourd'hui celle de Mantes-la-Jolie, avec une bifurcation vers Caen. En parallèle, s'élèvent un dépôt de machines et des ateliers, et une cité des cheminots, dénommée la "cité Buddicom", sur le territoire communal de Gassicourt.
Buddicom, parce que cette cité est sur un terrain appartenant à William Buddicom, industriel britannique qui acheta nombre de parcelles agricoles près du chemin de fer. Il les revendra ensuite avec une plus-value significative à la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest.
Émile Eugène Paris est né à Alençon dans l’Orne, le 4 juin 1882. Son père y est « employé des Chemins de fer de l’Ouest ». La famille se retrouve dans le village de Gassicourt, au recensement de 1906, rue du Val-notre-Dame, artère fermant au nord la cité Buddicom. Son père est dit "mécanicien" au dépôt, terme général pour conducteur de train.
Depuis une délibération municipale du 11 décembre 1904, vu l’augmentation de la population grâce à l’arrivée du chemin de fer (607 habitants en 1891, 1361 en 1901), Gassicourt a donné un nom à chaque rue.
passerelle enjambant les voies du Havre pour se rendre au dépôt et aux ateliers, au droit de la cité Buddicom
Émile Eugène Paris se marie à Gassicourt le 24 novembre 1906 avec Jeanne Mallard, née à Mantes-la-jolie, la ville voisine, le 25 juin 1886. L’acte de mariage précise qu’il est «employé au chemin de fer» et habite rue du Chemin de fer, une rue fermant la cité Buddicom à l’Ouest. Dès l'annexion de Gassicourt par Mantes en 1930, la rue du Chemin de fer est rebaptisée rue Emile-Zola.
Une fille d'Émile Paris , Suzanne, nait à Mantes-la-Jolie, le 25 juin 1908. Sur l’acte de naissance de sa fille il est « chauffeur », les témoins sont son père « mécanicien » et Louis Carpentier « cantonnier-chef au chemin de fer ».
On le retrouve aux élections municipales du 7 décembre 1919. Il fait partie de la liste de coalition républicaine: 12 socialistes SFIO (dont lui), un socialiste indépendant, deux radicaux-socialistes et un républicain de gauche. Le Journal de Mantes dit qu’il est « mécanicien au chemin de fer et secrétaire de l’Union locale des syndicats ». Avec lui, se présentent 8 cheminots. Ils battent la liste de droite sortante et Émile Paris est élu conseiller municipal. A noter, les cheminots sont majoritaires dans cette municipalité de gauche.
Survient la grève générale des cheminots de 1920, dans laquelle Émile Paris prend une place prépondérante, vu ses fonctions de secrétaire de l’Union locale CGT et sa place dans la corporation.
Les cheminots de Mantes ont voté la grève à partir du 1er mai 1920. La presse locale fixe leurs revendications : nationalisation du chemin de fer, amélioration du statut, augmentations salariales, réintégration des révoqués de la grève de 1910.
L’Armée occupe les emprises ferroviaires de la région, notamment le 5e Génie de Versailles-Matelots, spécialiste militaire des chemins de fer. Le chemin de fer fait aussi appel à des élèves des grandes écoles pour remplacer les grévistes et à une milice privée, l’Union civique anticommuniste. Le journal le Petit Mantais signale : « les agents et ouvriers n’ayant pas repris leur service ont été avisés que les sanctions prévues par les règlements leur seront appliquées ».
La reprise du travail est votée le 20 mai par 675 voix contre 108. Un ultime meeting rassemble les grévistes devant la Bourse du travail à Mantes-la-Jolie.
La fillette tenant un bouquet de fleurs est Suzanne Paris, devant son père Émile, du Comité de grève.
Outre des arrestations et des emprisonnements, une centaine de milliers de cheminots reçoit un blâme avec inscription au dossier. 18 000 sont révoqués, dont 25 à Mantes. Avec Émile Paris sont dans cette charrette, Victor Bézier (ajusteur), Georges Guesdon (charron), Henri Le Fur (mécanicien), eux aussi conseillers municipaux et Camille Fassié (dessinateur), lui maire de Gassicourt. Le tract syndical, recensant les 25 révoqués sur le site ferroviaire de Mantes, signale pour Émile Paris qu’il est « mécanicien avec 12 ans d’ancienneté ».
Révoqué, Émile Paris ne peut plus habiter le logement que lui louent les Chemins de fer de l’État, rue du chemin de fer. Il déménage rue de Mantes et on ne retrouve plus sa présence au sein du conseil municipal de Gassicourt.
Au recensement de 1921, il est mécanicien dans l’entreprise Poliet et Chausson à Gargenville à une quinzaine de kilomètres de Gassicourt. Il s’y rend en train par la ligne de Mantes à Argenteuil. Depuis 1920, Poliet et Chausson exploite une carrière et une cimenterie embranchée au chemin de fer.
Émile Paris est-il réintégré par les Chemins de fer de l’État, après la loi d’amnistie du 13 juillet 1923 ? Les discussions à ce sujet achoppent jusqu’en octobre 1924 avec les compagnies ferroviaires. Un protocole d’accord est enfin signé.
Mais les chemins de fer excluent de la réintégration « les meneurs syndicaux, les ouvriers licenciés des ateliers et les agents coupables d’entraves à la liberté du travail ». De ce fait, le Journal Officiel du 6 mars 1936 ne rapporte que 6 800 réintégrations sur plus de 18 000 cheminots révoqués en 1920.