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Publié par Le Mantois et Partout ailleurs

A l'approche de 2023, quelques histoires sur le chemin de fer de Paris à Rouen, dont le train inaugural traverse le Mantois, le 3 mai 1843

Des travailleurs britanniques pour le chemin de fer de Paris à Rouen

Les travaux débutent en mars 1841. La ligne, sur deux voies, de 127 km, débute à Colombes, sur le Paris-Saint-Germain, se poursuit jusqu’à Poissy, traverse la forêt de Saint-Germain et longe la Seine sur la rive gauche. La ligne passe Mantes, l’éperon de Rolleboise et le contrefort de Venables. Elle longe ensuite la rive droite de la Seine, franchit le col de Tourville, traverse le fleuve par un pont à Oissel pour arriver à Rouen. 

Un chantier gigantesque et qui se termine en 1843, deux ans avant l'échéance prévue.

Ils sont plus de 5 000 ouvriers, anglais pour la plupart, mais aussi irlandais. La grande majorité provient des chantiers ferroviaires britanniques. Mais certains ont été chassés de Grande-Bretagne par le mal-vivre. Ils vivent dans des camps itinérants, avec parfois leurs familles. Comme ils côtoient des Français, des Belges, des Piémontais ou des Polonais, s’instaure sur les chantiers un dialecte à partir de chaque idiome national. En effet, ils sont au total quelque 10 000 prolétaires pour construire la ligne. Et leur exploitation y est sauvage.

William Mackenzie dit préférer les terrassiers anglais à la main-d’œuvre locale, parce que plus intelligents et plus laborieux. Or, Le Journal des débats, en février 1842, objecte que : « Placez l’ouvrier français dans les mêmes conditions d’alimentation et d’outillage que l’ouvrier anglais et presque aussitôt, il le vaudra. » Et plus tard, il faudra déconstruire des ouvrages d’art en briques et construits à l’économie. Ainsi, le pont à cinq arches sur la Vaucouleurs à Mantes-la-Ville ; en 1919, il présente force fissures.

Les campements britanniques ont des écoles pour leurs enfants, des offices religieux anglicans, une assistance médicale et une caisse de secours en cas d’accident ou de décès. Cependant, les archives hospitalières de Mantes révèlent le courrier d’un chirurgien à la Compagnie, à cause du non-paiement d’honoraires, pour l’amputation d’un mécanicien anglais.

Et de l’animosité s’établit entre ouvriers britanniques, rémunérés entre 5 et 7 francs par jour, et la main d’œuvre locale soldée elle à 2 francs, 50. Aussi, pour l’inauguration à Rouen, on renonce à arborer l’Union Jack avec les couleurs nationales. « Lord Cowley, ambassadeur du Royaume-Uni à Paris, n’était pas venu assister à la fête pour être l’objet de manifestations hostiles », écrit en mai 1843 Théodore Muret, dans Le Grand Convoi de la ville de Rouen.

Mais l’accroissement rapide du trafic et de nouvelles lignes entraînent la disparition de cette main d’œuvre britannique. Exemple, sur 1 500 ouvriers britanniques, embauchés par William Buddicom dans ses ateliers de Sotteville-lès-Rouen, il va n’en demeurer que trois.

En revanche, les financiers du Royaume-Uni restent dans les conseils d’administrations de la Compagnie et ont accaparés à bas prix des terrains autour du chemin de fer Depuis un accord de 1841, ils perçoivent une rémunération plus importante pour les actions prises sur l’intégralité du capital, au contraire de leurs homologues français indexés sur les placements et l’excédent d’exploitation. Edward Blount reste président du conseil d’administration de la Compagnie de l’Ouest jusqu’en 1899, pour être remplacé par son fils ; ce même Blount est aussi vice-président du Paris-Lyon-Méditerranée en 1883.

Si le chantier se termine deux ans avant la date prévue, ce fut aussi au prix du sang et des larmes des travailleurs. Ce que les journaux de l'époque ne décrivent pas.

Des grèves ont été aussi entreprises par les travailleurs britanniques et les chroniques françaises, bien pensantes à l'égard du pouvoir et du capitalisme naissant, en limitent les échos. Cependant, en avril 1842, 150 ouvriers britanniques se sont mis en grève contre la tentative des sous-entrepreneurs anglais de modifier l’organisation du travail. Le 24 avril 1843, une manifestation réunit ouvriers anglais et français pour la pose de la dernière pièce de charpente de la station Saint-Sever à Rouen.

Notons également une rébellion des ouvriers français lors du percement du tunnel de Rolleboise (2 612 m). Ils sont employés aux plus rudes labeurs, à la dynamite, à la barre de mine et à la pioche. Ils quittent le chantier et partent manifester à Freneuse, le village voisin. Le rapport de la gendarmerie relève aucun incident et tout rentre dans l'ordre. Ils ont été petitement augmentés. Ils ne recevaient que la moitié du salaire perçu par les Britanniques. Or, c’était mieux que les salaires agricoles locaux d’environ 1,80 F.

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