Même dans la mort, les exclus comptent pour rien
Indigents, sans domicile fixe, très pauvres, ces ex-citoyens nés libres et égaux selon le premier principe de notre République, lorsqu'ils décèdent, comptent toujours pour rien. L'article du collectif Vivre dans la rue tue ne peut soulever que de l'indignation:
Peut-on supporter l’indignité des funérailles des « pauvres », des « indigents », des « SDF », des personnes dépourvues de ressources suffisantes ?
Nous sommes confrontés à des faits difficiles à supporter pour l’entourage concernant la mort des pauvres. Ce n'est pas à Paris, où nous avons travaillé depuis des années à cette dignité avec les personnes qui en sont chargées, mais dans plusieurs communes franciliennes qui confient cette charge au syndicat du funéraire, la SIFUREP.
Il ne suffit pas d'être humilié durant sa vie par la pauvreté vécue. Mais le corps du pauvre, et son entourage, continuent, parfois, à subir l'indignité et le mépris dans la mort.
Des dysfonctionnements graves et répétés.
Les dispositifs étant municipaux et non nationaux, nous les apprenons au compte-gouttes, peu à peu, au fur-et-à-mesure que nous sommes confrontés à ces difficultés, ou saisis par des proches qui y sont confrontés.
Vêtir les morts, et leur faire une toilette, même toute simple ne va pas de soi quand ils sont pauvres : Nous avons ainsi appris que la SIFUREP, syndicat des communes auquel adhèrent 78 communes franciliennes, n’habille pas les morts « indigents » (ceci a été vérifié sur deux communes : St Cloud et Clichy-la-Garenne). Et même, que la toilette n’est pas faite, le plus souvent, quand la personne ne meurt pas à l’hôpital (encore vérifié pour un homme décédé à Clichy-la Garenne et déposé dans la chambre mortuaire des Batignolles, ayant gardé des traces de sang, pas lavé).
Nous avons ainsi appris que des Etats Civils franciliens, que ce soit à l’hôpital ou en Mairie, désinforment l’entourage, en disant que c’est la commune du domicile et non la commune du décès qui prend en charge. Obligeant à venir et revenir. Et parfois à demander notre intermédiaire. Il nous faut rappeler la loi qui est assez claire sur le sujet, mais qui est remise en question par plusieurs Etats Civils.
Nous avons ainsi appris que lorsqu’une famille est retrouvée, et que l’obligation alimentaire intervient, il n’est absolument tenu compte du fait que la famille est sans ressource suffisante, non solvable. Par exemple, pour un monsieur SDF mort à l’Haïe Les Roses, il a été refusé à la famille la prise en charge par la ville, alors que la maman âgée retrouvée vivait dans le Pas de Calais avec des ressources inférieures au minimum-vieillesse.
Nous avons appris que la déclaration de décès était faite parfois avec un retard important (plusieurs mois quelquefois). L’hôpital refusait de transmettre les papiers du défunt à la famille, alors que le défunt avait l’argent suffisant sur son compte pour les funérailles. L’enterrement suite à toutes ces complications a eu lieu plusieurs mois après le décès. Ceci a été très traumatisant pour toute la famille (que nous avions retrouvée, ni l’Etat Civil de l’hôpital, ni celui de la mairie, ni le commissariat, n’avaient entrepris de recherches).
Dignité de la sépulture : Quand nous demandons au téléphone si on peut planter une plante sur une tombe d’une personne prise en charge par la ville, on nous répond : « c’est un indigent », vous n’avez pas à mettre de fleurs. On enlèvera tout. Ceci c’était à la mairie de Clichy-la-Garenne, il y a peu de jours. Les fossoyeurs nous ont rassurés sur le terrain.
Indignité de l’inhumation : Des personnes, allant accompagner leur mort au Kremlin-Bicêtre au petit matin, vont vers l’emplacement prévu où la tombe n’est pas encore creusée. Intervient la pelleteuse devant eux. L’exhumation de l’ancien corps se fait en même temps. Les fossoyeurs recueillent les ossements anciens dans des sacs avant qu’on n’enterre le mort du jour…
Il nous semble que toute cette indignité, depuis l’accueil des proches en état civil de mairie, jusque dans les différentes démarches, toilettes du défunt (il ne s’agit pas d’embaumement, mais de passer un linge humide pour enlever les traces de sang, terre, ou vomissures par exemple…), habillement du corps, mise en terre, respect des familles, possibilité de passer par un lieu de culte, possibilité de déposer fleurs ou objets sur la tombe… font partie du respect du défunt et des personnes endeuillées
Nous savons bien que ce sont les vivants qui comptent. Mais les vivants endeuillés sont humiliés.
oui, même pour eux, le changement n'est pas pour maintenant