Les socialistes et la Première Guerre mondiale
François Hollande, ex-patron du Parti socialiste et donc héritier de son histoire, en tant que président de la République française, a lancé le début officiel des commémorations du centenaire de la Grande Guerre. Pour ne pas oublier, qu'elle fut la position de la SFIO, le PS de l'époque, lors de la déclaration des hostilités?
En 1905, les divers mouvements socialistes français se réunissent en Section Française de l'Internationale Ouvrière (SFIO), au congrès du Globe à Paris, suite au congrès socialiste international tenu à Amsterdam en 1904.
La SFIO prend position contre la politique coloniale de la France et le nationalisme belliciste. Cependant, sur la question de la guerre, de fortes dissensions existent entre Jean Jaurès et Jules Guesde. Le premier en appelle à la grève générale dans tous les pays afin de prévenir ou d'arrêter le conflit qui se prépare. Jules Guesde, tout en étant persuadé que la guerre peut détruire le capitalisme, redoute que la grève ne devienne effective et affaiblisse les pays les plus industrialisés dont la France.
Mais pour l'heure, la majorité de la SFIO se range du côté de Jean Jaurès.
D'ailleurs, le matin même de son assassinat par Raoul Villain, un nationaliste, celui-ci signe un éditorial, le 31 juillet 1914, dans l'Humanité, le journal de la SFIO:"C'est à l'intelligence du peuple, c'est à sa pensée que nous devons aujourd'hui faire appel si nous voulons qu'il puisse rester maître de soi, refouler les paniques, dominer les énervements et surveiller la marche des hommes et des choses, pour écarter de la race humaine l'horreur de la guerre. Le péril est grand, mais il n'est pas invincible si nous voulons garder la clarté de l'esprit, la fermeté du vouloir, si nous savons avoir à la fois l'héroïsme de la patience et l'héroïsme de l'action."
Et du capitalisme qui surarme les futurs belligérants, Jean Jaurès s'exclame dans un meeting à Vaise, près de Lyon, le 25 juillet 1914: "Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l'orage".
Or, le tribun à la voix d'airain à peine enterré, la direction de la SFIO et son bras syndical, la CGT, entrent dans l'Union sacrée, dans le gouvernement et dans le quotidien, avec les ennemis jurés d'hier: le patronat et la droite.
Photographie extraite d'un article d'Avner Ben-Amos, La « panthéonisation » de Jean Jaurès, publiée dans la revue Terrain, octobre 1990.
Les drapeaux rouges des organisations de la SFIO, même source
Edouard Vaillant, figure du socialisme français, en écrit les raisons dans l'Humanité du 11 septembre 1914:"Question : le Parti socialiste n'efface-t-il pas ses traits caractéristiques et ne se confond-il pas avec les partis bourgeois ? Réponse : en luttant pour son indépendance, la France lutte pour la paix du monde, de sorte que devoir patriotique et devoir socialiste se fortifient l'un par l'autre."
Dèjà, le 27 août 1914, l'Humanité saluait la constitution d'un "ministère nouveau, reflet de l'unité nationale qui depuis vingt-six jours groupe la France en vue de sa défense " et, avec l'aval du parti, la participation de deux socialistes (Jules Guesde, ministre sans portefeuille, et Marcel Sembat des Travaux publics). Viendra plus tard Albert Thomas en 1916, comme ministre de l'Armement. Léon Jouhaux, secrétaire général de la CGT et membre de la SFIO, devient Commissaire de la nation pour "soutenir le moral du pays et l'effort de guerre". Il a presqu'un rang de ministre et suivra le gouvernement lorsque celui-ci se réfugie à Bordeaux devant l'avance allemande sur Paris.
Dans l'Humanité du 28 août 1914, la SFIO s'explique (extraits):
"C'est à la suite d'une délibération régulière, c'est par une décision mûrement pesée que le Parti socialiste a autorisé deux de ses membres, nos amis Jules Guesde et Marcel Sembat, à entrer dans le nouveau gouvernement, et qu'il a fait d'eux ses délégués à la Défense nationale. Tous les représentants du groupe socialiste au Parlement, de la Commission administrative permanente, du Conseil d'administration de l'Humanité ont été d'accord pour assumer avec eux les graves responsabilités qu'ils consentaient à partager.(...)
C'est de l'avenir de la nation, c'est de la vie de la France qu'il s'agit aujourd'hui. La Parti n'a pas hésité. (...)
Il faut que l'unité nationale, dont la révélation renouvelée réconfortait les cœurs au début de la guerre, manifeste toute sa puissance.
Il faut que dans un de ces élans d'héroïsme qui se sont, à de pareilles heures, toujours répétés dans notre histoire, la nation entière se lève pour la défense de son sol et de sa liberté.
Le chef du gouvernement a pensé que pour entraîner la nation, pour l'organiser, pour la soutenir dans une lutte qui sera et qui doit être acharnée, il avait besoin du concours de tous, et plus particulièrement peut-être de ceux qui redoutent, pour l'émancipation prolétarienne et humaine, l'oppression accablante du despotisme. Il savait qu'à toutes les heures graves, en 1793 comme en 1870, c'était en ces hommes, en ces socialistes, en ces révolutionnaires, que la nation mettait sa confiance.(...)
Spontanément, sans attendre d'autre manifestation de la volonté populaire, il a fait appel à notre Parti. Notre Parti a répondu : Présent ! (...)
Nous luttons pour que le monde, affranchi de l'oppression étouffante de l'impérialisme et des atrocités de la guerre, jouisse enfin de la Paix dans le respect des droits de tous.(...)"
Mais dès la fin de l'année 1914, des socialistes critiquent cette "collaboration de classe" au sein de la SFIO. Certes, leurs positions vont être ultraminoritaires. Mais 3 députés ne voteront pas les crédits de guerre en 1916.
Au sein de la CGT, l'opposition à la guerre se manifeste aussi par quelques militants: ceux regroupés autour du journal La Vie Ouvrière et ceux issus des fédérations du tonneau, de la métallurgie et du bâtiment.
Pour autant, à la Conférence nationale de la CGT, le 15 août 1915, par 79 voix contre 27, l'Union sacrée développée par Léon Jouhaux l'emporte.
La majorité pense que la patrie est en danger contre l'impérialisme allemand.
Le 1er août 1914, l'Allemagne avait déclaré la guerre à la Russie alliée de la Serbie déjà attaquée par l'Autriche-Hongrie alliée du Kaiser. Le 3 août, l'Allemagne avait déclaré la guerre à la France et le 4 août, l'Angleterre, son alliée, entrait dans le premier conflit mondial. Les USA ne déclareront la guerre à l'Allemagne, le 6 avril 1917, que lorsque ses intérêts seront menacés.
Les causes de cette guerre sont nombreuses, complexes et contradictoires. Elle est dans le prolongement du jeu des alliances politiques et des blocs militaires. Elle est surtout la suite des guerres balkaniques et de l'envie des puissances coloniales pour se partager le monde, même si, au départ, peu le perçoive ainsi.
Le 11 novembre 1918, la France et la Grande-Bretagne se partageront les colonies des vaincus. Les pays vainqueurs couperont l'Allemagne en deux pour que la Pologne ait un accès sur la mer. Des peuples vont être séparés en Europe, en Afrique et en Orient. Les USA deviendront la première puissance économique du monde. La Russie communiste sera attaquée par les vainqueurs. Le Japon et l'Italie, pourtant dans le camp des belligérants ayant vaincu les Empires centraux, ne seront pas récompensés en conquêtes territoriales suffisantes.
Tous les ingrédients sont prêts pour la Deuxième Guerre mondiale.