Les inégalités sociales se répercutent-elles à l'école?
Hier, on a sué sang et larmes sur les sujets de l'épreuve de philo au bac. Pendant que les candidats planchaient, comme chaque année surgissait le marronnier qui fait la joie du petit clos politique et médiatique: "Faut-il supprimer le baccalauréat?"
Mais dans cette tour d'ivoire, le nec plus ultra qui pense toujours à notre place depuis le début de l'horizon du monde, personne pour décrier que les inégalités sociales mettent à mal cette prétendue égalité qui place les élèves de terminale devant l'épreuve du bac.
"Toujours plus d'enfants de profs et toujours moins d'enfants d'ouvriers. L'accès au baccalauréat est marqué par une terrible inégalité sociale qui a tendance à se creuser depuis un quinzaine d'années. L'examen reste le reflet d'un système scolaire ségrégatif qui ne lutte pas suffisamment contre les processus d'exclusion" débute à juste titre l'enquête de l'Humanité de ce jour. Hervé Le Bras, démographe et historien, et Olivier Todd, anthropologue et historien, dans Le mystère français au Seuil, développent cette même constatation.
Certes, près des 2/3 des générations nées entre 1979 et 1982 ont le bac, contre 20% de celles nées vingt ans plus tôt. Dans cette même période, près de la moitié des enfants de familles ouvrières ont obtenu ce diplôme contre 10% de ceux nés dans les années 1950.
Mais cette démocratisation stagne et même régresse depuis ces quinze dernières années: 90% des enfants de cadres supérieurs sont bacheliers, pour seulement 40,7% des enfants d'ouvriers et 27,6% des chômeurs; en 1996, l'enfant d'un enseignant avait 8,9 fois plus de possibilités d'être bachelier que celui d'un ouvrier non qualifié; en 2002, c'est 14 fois plus et le rapport pour un enfant de chômeur est lui passé de 15 à 25 fois.
Et puis, il y a bac et bac. 34% des enfants d'ouvriers le décrochent dans une filière générale, 31% dans une filière technologique, 37% dans une filière professionnelle. En revanche, 75% des enfants de cadres supérieurs ont leur bac général et seulement 8% un bac pro. 40% des enfants d'enseignants ont un bac scientifique contre seulement 4,6% pour les gosses d'ouvriers non qualifiés.
"L'origine sociale est déterminante dans l'orientation et dans l'obtention du baccalauréat", constate l'étude entreprise sous Vincent Peillon, ministre de l'Education nationale.
Bien dit. Mais ceci constaté, on poursuit la politique de droite de François II, celle qui accentue toujours plus les inégalités sociales. Et on ouvre aussi un boulevard à l'électorat populaire et à sa jeunesse qui se réfugient dans l'abstention, pire dans les bras du F haine?
"Chaque enfant qu'on enseigne est un homme qu'on gagne", écrit Paule Masson dans son édito de l'Huma, en citant Victor Hugo. Pas mieux.