La Rue tue: 209 SDF morts au 184e jour de 2013
Officiellement recensés, mais combien d'autres dans cette France 5e puissance économique mondiale et patrie des Droits de l'homme? Oui, combien d'autres morts dans la rue, le jour ou la nuit, l'hiver ou en d'autres saisons?
Alors ce texte du Collectif Les Morts de la Rue que je relaie ici, à l'heure où les hors-sols pleins de fric trichent, que nos régents se prélassent sous les ors de la République qui n'est pas à eux, que le CAC40 augmente ses profits, que l'homme d'affaires Bernard Tapie jacte d'un complot contre sa très grande fortune ou que le patronat est reçu à l'Elysée comme s'il était dans son hôtel particulier du Medef:
Hier, Les médias parlaient de ce monsieur mort sur le bord du périphérique. Suicide par pendaison, probablement sur son lieu de vie. Nous ne savons quasi rien de lui. Sinon qu’il s’agit pour nous du 3ième suicide par pendaison dont nous avons connaissance depuis le début de l’année, en Ile-de-France, dont deux dans ce 16e arrondissement.
De cet homme nous ne savons rien. Sans-papier peut-être ? isolé sans doute ? désespéré sans doute ? et face au périph, en ce début d’été, il s’est donné la mort. Il aurait des bottines marron, un pull à col roulé, un jean. On ne sait nous dire s’il était barbu ou pas. Il serait peut-être Camel, mais peut-être aussi Mohamed, et puis on ne sait pas. On ne sait pas encore s’il était connu des associations. Si c’est celui qu’on croit, alors il était très solitaire. Il aurait 45 ans, ou peut-être 40 seulement.
Il s'est donné la mort sur le bord du Périph.
Honneur à cet homme. On parle de lui. Jacques et André (leurs prénoms sont changés), deux jeunes gens, se sont donné la mort aussi dans des lieux publics mais n’ont fait l’objet d’aucune brève. L’un des deux pourtant a choisi son acte de manière très visible, contre les grilles du musée des Arts et Traditions populaires. Meurtri sans doute par le départ de ce musée à Marseille, et par les liens que cela allait rompre avec l’équipe sur place. Ces personnes qui avaient su se faire proches de mille manières, par des liens tous simples mais vitaux.
On peut imaginer, pour Monsieur de la Porte Dauphine que ce flot de voitures, cet éternel départ, lui a fait tourner la tête… on peut imaginer que c’est un peu comme à Noël qui est fête de famille, que la fin de l’école, le début des vacances lui rappelaient peut-être des enfants ailleurs et un paradis familial perdu.
La vie d’un homme est un grand mystère.
Cet homme dont on ne sait rien, était quelqu’un dont nous ne savons rien, mais porteur de toute une vie, une histoire, un regard, une présence à côté de laquelle nous sommes passés, avons roulé…
C’est sans doute par la circulation soudain bloquée pendant une heure par ceux qui sont venus chercher son corps qu’il a été repéré par les médias puis par nous.
Monsieur de la Porte Dauphine, Monsieur l’inconnu, vous rejoignez la grande liste de ceux dont nous avons appris le décès et qui vivaient sans domicile. Vous êtes le 209ième, au 184ième jour de l’année 2013.