La flexisécurité voulue par l'Elysée, le Medef et la CFDT en marche
Comme le dit Médiapart, les salariés de la papeterie Elba, à la Monnerie-le-Montel dans le Puy-de-Dôme, n'en reviennent pas. Le groupe Hamelin (3 000 salariés dans 21 pays, 700 millions d'euros de chiffre d'affaires, propriétaire des marques Oxford, Canson, Bantex, Super Conquérant) met sur la paille ses salariés de Troyes dans l'Aube, de Villeurbanne dans le Rhône avec ceux de la Monnerie-le-Montel.
"Si on m'avait expliqué ce que signifiait l'Ani, j'aurais été de toutes les manifestations comme pour les retraites en 2010", raconte Marie, l'une des ouvrières de cette entreprise. Seulement voilà, elle n'a pas cru que l'accord national interprofessionnel, devenue loi sur la flexisécurité, n'était qu'un attrape-nigaud tricoté par le patronat pour licencier plus vite. Non syndiquée, en CDI depuis trente ans dans une entreprise en bonne santé, elle n'a pas jugé bon d'aller protester contre « ce cadeau de la gauche au Medef ». Et puis, dans sa boîte, même les syndicalistes CGT ou FO avaient séché les manifs, sauf un syndiqué FO dont tous se moquaient.
260 emplois sacrifiés sur l'autel du profit. Hamelin n'a pas perdu de temps pour profiter de la nouvelle législation. Il n'a même pas attendu que les cadres de l'administration du travail (les Direccte) soient formés par leur ministère à ce Code du travail revisité par pans entiers à la baisse. Dès le 2 juillet, soit au lendemain de l'entrée en vigueur de la mesure concernant les licenciements collectifs, Hamelin a déroulé en comité européen d'entreprise son plan de restructuration, invoquant la crise du secteur. Le 8, il en informait les salariés. Et la première réunion de négociation du plan social, prévue ce 25 juillet, intervient étonnamment à la veille de la date où l'usine ferme pour trois semaines de congés, réduisant un peu plus le délai de deux mois déjà très court durant lequel le comité d'entreprise peut se retourner.
Oui en supprimant la possibilité d’intervention du juge des référés durant la procédure, la nouvelle loi désarme les représentants des salariés. Exit l'avocat qui pouvait suspendre en amont le plan. Quant au délai de deux mois, il ne permet plus à l’expert, éventuellement désigné par le comité d’entreprise, d’analyser sérieusement la validité du motif économique des licenciements comme par le passé. Désormais, seule l’administration du travail donnera un avis, lequel se limitera à juger la qualité des reclassements des salariés, sans aucune possibilité de contester le bien-fondé du motif économique. Dans ce cas précis – une décision unilatérale de l'employeur –, elle aura 21 jours à compter du 25 septembre pour homologuer ou non le plan.
En Auvergne, c'est le premier "plan social d'emplois" qui découle de l'Ani. Et c'est aussi un premier cas d'école en France pour l'administration de Michel Sapin, le ministre du Travail.
André Chassaigne, député PCF du Puy-de-Dôme, président du groupe Front de Gauche à l'Assemblée nationale, vient d'écrire à Michel Sapin et Arnaud Montebourg. Remonté comme jamais contre cette fermeture et une promesse non tenue : « Contrairement aux engagements du candidat François Hollande, aucune mesure législative n’a été prise pour mettre un terme aux licenciements abusifs. Bien au contraire, le 16 mai dernier, lors du débat parlementaire sur la proposition de loi des députés du groupe GDR visant à interdire les licenciements boursiers et les suppressions d’emplois abusives, Sapin s'est réfugié derrière le soi-disant bouclier de la loi de sécurisation de l’emploi pour justifier son refus de faire adopter notre proposition de loi. On voit les dégâts aujourd'hui. »
Ce reportage a été réalisé du 15 au 19 juillet. Contactés par Médiapart, ni la Direccte, ni le Préfet d'Auvergne n'ont souhaité s'exprimer à ce stade de la procédure sur ce dossier, faisant seulement savoir qu'il était suivi «de très près».