Cantilène d'Oc
Le jour n'était pas mûr, mais il était sans bornes
Pour nous qui allions sur un chemin enchanté,
Avec nous autres, même l'esprit le plus morne
Ou celui qui parlait avec solennité.
Dans la vigne, le soleil blondissait à peine
Et l'angélus s'apprêtait en haut du clocher.
Mais la vendange n'attendait pas que l'on traîne
Dans sa couche ou derrière le moindre hochet.
L'automne souriait, le vent chantait je t'aime,
Nous plongions dans la feuillée sans une langueur
Et le raisin faisait tout vibrer en nous-mêmes,
Comme s'il distillait une heureuse liqueur.
Nous revenions et aucun ne se sentait triste
Ni fourbu malgré le lourd labeur enduré,
Nous rêvions sans jamais que Dieu ne nous assiste:
Dès l'aube on repartirait, notre âme azurée.
Aujourd'hui, dans ma cité cernée de bois sombres,
Quand cette heure ancienne se répand dans les airs,
Mon regard et mon coeur ne dépassent pas l'ombre
Dans laquelle on peut ranger sa vie de travers.