Videla, la torture et l'école française
La mort de l’ancien dictateur argentin Jorge Videla donne l’occasion aux observateurs de revenir sur les exactions, disparitions, tortures et enlèvements de bébés commis sous sa présidence (1976-1981). En attendant, encore et toujours, que lumière soit faite sur le rôle de la France dans ces années de terreur…
« J’ai honte pour la France. J'espère que nous aurons le courage de faire toute la lumière sur cette face cachée de notre histoire pour que nous ayons enfin le droit de nous revendiquer patrie des droits de l'homme. » Ces mots ont été prononcés en 2003 par Bernard Stasi, médiateur de la République, au moment où le Sénat remettait son prix au documentaire de Marie-Monique Robin Escadrons de la mort, l’école française.
Dans cette enquête exceptionnelle, la réalisatrice faisait témoigner des généraux argentins qui, pour la première fois, reconnaissaient avoir utilisé des techniques de torture et de disparitions de manière méthodique. Son film, riche en témoignages et en preuves accablantes, servit de pièce à conviction dans plusieurs procès en Argentine.
Mais le sujet premier du documentaire était de montrer comment la France exporta, dans les années 1960 et 1970, les techniques de lutte antisubversive apprises en Algérie, et forma les militaires sud-américains à la torture et au renseignement. Les méthodes employées par l’Opération Condor en Amérique latine furent inventées par les militaires français après la défaite de Diên Biên Phu, puis testées en Algérie. Par la suite, des vétérans devenus experts en guerre antisubversive (dont le général Aussaresses) mirent leur expérience au service des pires dictatures.
Si la diffusion de ce documentaire a entraîné une tempête en Argentine (réunion de crise de l’état major argentin, dégradation des généraux), elle n’a fait que quelques vaguelettes en France. Pourtant, le gouvernement français d'alors (sous la présidence de Giscard) y est accusé de collaboration politique secrète avec les régimes de Videla et Pinochet… Mais la demande, en 2003, de trois députés verts (N. Mamère, Y. Cochet et M. Billard) de constituer une commission d’enquête parlementaire sur le sujet fut rejetée par la commission des Affaires étrangères (présidée par E. Balladur) au motif que « les allégations portées sur le rôle de la France en Amérique latine dans les années 1970 sont sans fondement sérieux ».
C'était il y a 10 ans. Et depuis ? Plus rien…
Source: Samjoffre sur Mediapart