La réunification de la CGT dans la Résistance (5 et fin)
La réunification de la CGT est un moment important dans l'histoire de la Résistance. Désormais, la guerre intérieure dans les entreprises au service de l'économie nazie et des armées hitlériennes va prendre de multiples formes: distributions de tracts, manifestations, grèves, sabotages, formation de milices patriotiques. Avec la Résistance d'obédience communiste, ce sont deux mouvements organisés qui vont s'impliquer dans les combats sur tout le territoire national, au contraire des autres formations souvent inorganisées et pas suffisamment coordonnées. Le 1er octobre 1943, dans la Vie Ouvrière clandestine, la CGT indique: "Jusqu'à présent, la presque totalité des grèves a été préparée et dirigée par les comités populaires qui suppléaient à la carence des syndicats. Aujourd'hui que l'unité se reconstruit, que les syndicats prennent un nouvel essor, c'est le devoir des syndicats de prendre résolument la tête de ces luttes".
La CGT et le Conseil National de la Résistance (CNR)
Le 1er janvier 1942, le général de Gaulle avait chargé Jean Moulin d'unifier tous les mouvements de résistance en France. En juin de cette année, il met en place un Comité d'experts chargé de penser à un projet politique pour l'après-guerre. S'appuyant notamment sur l'organisation de la résistance communiste et sur la force de la CGT, Jean Moulin fonde le CNR, le 27 mai 1943, au premier étage du 48 rue du Four à Paris.
Participent à cette réunion constitutive, outre Jean Moulin et ses collaborateurs Pierre Meunier et Robert Chambeiron:
- Pierre Villon du Front national de la résistance créé par le PCF
- Roger Coquoin pour Ceux de la Libération
- Jacques Lecomte-Boinet pour Ceux de la résistance
- Charles Laurent pour Libération-Nord
- Pascal Copeau pour Libération-Sud
- Jacques-Henri Simon pour Organisation civile et militaire
- Claude Bourdet pour Combat
- Eugène Claudius-Petit pour Franc-Tireur
- Louis Saillant pour la CGT
- Gaston Tessier pour la CFTC
- André Mercier pour le PCF
- André Le Trocquet pour la SFIO
- Marc Rucart pour les Radicaux
- Georges Bidault pour les Démocrates chrétiens
- Joseph Laniel pour l'Alliance démocratique
- Jacques Debû-Bridel pour la Fédération républicaine catholique
Jean Moulin
Le CNR a deux objectifs, combattre et vaincre l'ennemi et préparer politiquement les lendemains de la libération du pays. Malheureusement, le 21 juin 1943, Jean Moulin, président du CNR, dénoncé, est arrêté. Plusieurs fois torturé par la gestapo et Klaus Barbie, il ne parle pas. Il succombe durant son transfert en allemagne, le 8 juillet. Georges Bidault lui succède à la présidence du CNR.
En juillet 1943, fort de son Comité d'experts, le général de Gaulle, par son envoyé en France Emile Laffon, transmet au CNR un programme politique qui va être rejeté. De son côté, la CGT a aussi pensé à un programme politique. Elle le publie en août 1943. Il reprend les propositions développées par les unitaires dès les premiers jours de l'Occupation. Louis Saillant, du bureau confédéral de la CGT, va s'en faire le porte-parole au sein du CNR.
Pour des raisons de sécurité, de septembre 1943 à septembre 1944, il n'y a plus de réunion plénière du CNR, seul son bureau l'administre. Il est composé de Georges Bidault, son président, Louis Saillant, Pascal Copeau, Maxime Blocq-Mascart (en remplacement de Jacques Henri-Simon) et Pierre Villon.
Après plusieurs mois de tractations, un consensus est trouvé entre toutes les parties. Les talents de diplomate de Louis Saillant et la force de son syndicat n'y ont pas été pour rien. Ce programme est adopté à l'unanimté par le CNR le 15 mars 1944. Il s'inspire en grande partie du document publié par la direction de la CGT en août 1943.
Le 11 septembre 1944, Louis Saillant devient le président du Conseil National de la Résistance. Le programme politique est présenté par lui-même, le 20 octobre 1944, lors d'un grand meeting public à Paris.
Si Charles de Gaulle est l'homme du 18 juin 1940, celui qui a demandé à Jean Moulin d'unifier les mouvements de résistance et le chef du gouvernement provisoire à la Libération, il n'est pas celui du programme du Conseil National de la Résistance. D'ailleurs, lors de son discours à la France, le 12 septembre 1944 au Palais de Chaillot, il se garde bien de se référer au CNR.
C'est aussi là un marqueur important dans l'histoire sociale que va connaître notre pays par la suite, avec les attaques de la droite et du patronat, y compris par le général de Gaulle, contre le programme politique du CNR.
Plusieurs amis m'ont suggéré de trancrire tous les chapitres de La réunification de la CGT dans la Résistance dans un seul article. Je vais m'y employer sous le titre "La CGT et la Résistance". Naturellement, tout ceci n'est qu'un résumé de cette époque et le programme politque du CNR (Les jours heureux) n'y est pas développé, tout comme les grèves insurectionnelles menées par la CGT dès le 18 août 1944.
Sources: Le syndicalisme dans la France occupée. Ouvrage collectif. Presses universitaires de Rennes. 2008. Notamment Action légale et illégale chez les ex-unitaires de la CGT et Chronologie syndicale (septembre 1939-août 1944) par André Narritsens. Esquisse d'une histoire de la CGT. 1965. Jean Bruhat, Marc Piolot. Centre confédéral d'éducation ouvrière. CGT approches historiques. 1988. Centre confédéral d'éducation ouvrière et Institut CGT d'histoire sociale. Aincourt un camp oublié. Roger Colombier. Le Temps des Cerises. 2009.