L'euro au service exclusif du capital
Même ses plus chauds partisans ne fêtent pas son dixième anniversaire. C'est dire combien ils ont peur qu'un simple feu de bengale, en l'honneur de la monnaie unique, risque d'embraser des brandons de colère.
En effet, quel peuple européen saute de joie dans son pays asphyxié par la régression sociale, la dictature de l'austérité et la mal-vie quotidienne? Mercredi, la BCE a prêté 489 milliards d'euros à 1% d'intérêt à 523 sociétés bancaires européennes, sans que le moindre centime n'aille dans les investissements créateurs d'emplois. La crise ne touche pas le marché, mais renforce la spéculation et la consommation à crédits.
Dès lors, dans ce désastre social et humain, les plus exposés brutalement souhaitent quitter la zone euro. 65% d'ouvriers et 52% d'employés, dit un dernier sondage. Mais, seulement 1/3 des Français sont favorables à cette idée, proclament les adeptes de l'euro, qu'ils soient pour un euro capitaliste ou du bord d'une monnaie unique sociale. Comme si, pour ces derniers, le fric, au lieu de la reconnaissance du travail, avait concouru, un jour, à l'émancipation du genre humain!
Alors, les états-majors politiques, à des années-lumières de la souffrance des citoyens d'en bas, poursuivent leur train-train. "Nous avons raison, un point c'est tout", claironnent-ils. Ce qui désespèrent toujours plus les catégories socio-professionnelles les plus défavorisées dans notre vieille société malade. En conséquence, pourquoi une partie de ceux que l'on n'entend plus, ne se reporterait-elle pas vers la peste brune rajeunie en jupe et talons hauts?
6 Français sur 10 s'intéressent à la politique, selon le sondage de décembre de La Croix effectué par OpinionWay. Mais pour autant, les sondés ne se déterminent pas pour une politique la plus à gauche qui soit: Sarkozy 20%, Le Pen 16%, Bayrou 15%, soit 51% en additionnant l'ensemble de la droite et de son extrême; Hollande 24%, Joly 7%, soit 31% pour les réformistes; Mélenchon 9% et à sa gauche un total de 3%. Anne Maxel, sociologue et directrice de recherche au CNRS, enfonce le clou: elle explique que les jeunes ouvriers et les plus précaires, électeurs de Sarkozy en 2007, s'apprêtent à voter massivement pour la fille de son père.
Pendant ce temps, on discourt comme faire de la BCE un instrument démocratique au coeur de l'Europe capitaliste. On s'attarde à échafauder une Europe fédérale quand les peuples souverains n'ont plus jamais la parole sous les diktats de Bruxelles, de Berlin et du FMI. Pendant ce temps, la bulle des scandales politico-financiers explose à la face des damnés de la terre et des forçats de la faim. Pendant ce temps, les couches populaires, notamment la classe ouvrière qui existe toujours, se désespèrent de tout.
Alors vive un euro des marchés ou un euro populaire?