17 octobre 2011: cinquantenaire d'un massacre
En 1961, l'Algérie est toujours française, mais la guerre d'indépendance contre la France dure depuis le 1er novembre 1954, avec toujours plus de pertes humaines et de budgets militaires engloutis.
En janvier de cette année, un projet de loi prévoit, dès que les conditions de sécurité le permettront, de soumettre par vote aux populations algériennes "le destin politique qu'elles choisiront par rapport à la République française". Par référendum, à une écrasante majorité, les Français approuvent cette autodétermination conditionnelle.
Le 22 avril, quatre généraux organisent un coup d'Etat militaire à Alger. Ils comptent sur le soutien de l'Armée et de tous les ultras qui, en Algérie ou en France, réprouvent l'indépendance de l'Algérie. La CGT mobilise ses militants, elle s'élève vigoureusement contre tous ceux qui se promettent d'instaurer une dictature fasciste.
Le 23 avril, la CGT, la CFTC et la FEN appellent à la grève générale, action républicaine soutenue par les partis de gauche et le MRP qui connaît le succès. En Algérie, les soldats du contingent et des officiers républicains refusent d'obéir aux ordres des factieux qui occupent Alger, des casernes et des camps militaires. Le général de Gaulle, président de la République, fustige ce quarteron de généraux félons. Mais plus tard, il fera preuve de grande mansuétude avec eux et les émeutiers qui les ont suivis. Par contre, le 5 juillet 1961, en Algérie, une intervention policière fait 80 morts et 266 blessés.
Le 26 avril, à 3 heures du matin, la rébellion a cessé. Le général Challes se constitue prisonnier, les généraux Zeller, Jouhaud et Salan s'enfuient.
Le 5 octobre, Maurice Papon est le préfet de police de Paris. Il n'a pas été encore jugé pour crimes contre l'humanité pour sa participation à la collaboration avec l'occupant nazi durant la Deuxième Guerre mondiale. Il a toujours le soutien du pouvoir gaulliste. Il décrète un couvre-feu à l'encontre des Français musulmans d'Algérie dans Paris et sa banlieue.
Le 17 octobre, à l'appel du FLN, des dizaines de milliers d'Algériens bravent ce diktat. Ils sortent de leurs bidonvilles ou des hôtels meublés et miteux.
Certains sont avec leurs femmes et leurs enfants. Ils escomptent manifester pacifiquement contre l'interdit du préfet de police. Beaucoup ont mis leurs habits du dimanche.
Mais ce soir-là, aux ordres de Maurice Papon couvert par le ministre de l'Intérieur, la mort et les violences s'abattent sur eux.14 000 sont arrêtés, battus et parfois internés au centre de rétention de Vincennes. le 19 octobre, 2 800 Algériens sont toujours détenus au stade Coubertin. Ils sont 6 600 au Palais des sports et 2 762 dans son hall, révèle la préfecture de police.
Simplement 2 morts et quelques blessés, assure Maurice Papon. En fait, la Seine a charrié des cadavres, les témoignages sur cette horreur abondent et l'historien Jean-Luc Heinaudi parle de plusieurs centaines de victimes.
Le 18 octobre, la CGT qui considère légitime l'aspiration du peuple Algérien à son indépendance, exprime sa vive réprobation. Elle n'appelle pas à manifester, mais engage ses structures à organiser, dans les localités et les entreprises, "des protestations et des actions de masse pour réprouver la violence du 17 octobre" dont son journal, La Vie Ouvrière se fait l'écho immédiatement. Mais une chape de plomb et la censure gouvernementale submergent la France.
Il faut attendre le roman de Didier Daeninckx, Meurtres pour mémoire, en 1984, pour diffuser auprès du grand public la connaissance de cet évènement tragique.
Mais les archives de cette époque sont toujours interdites aux chercheurs et aux historiens. Pour couvrir un crime d'Etat.