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Publié par Le Mantois et Partout ailleurs

Odette Nilès: une grande dame de la Résistance vient de disparaître

Elle avait eu 100 ans en décembre 2022 et était la présidente d'honneur de l'Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt, association de mémoire sur les camps d'internements en France, antichambres de la mort et de la déportation en Allemagne nazie, dirigées par des collaborationnistes français et gardés par des gendarmes français durant l'occupation hitlérienne de notre pays.

Je l'avais rencontrée pour qu'elle témoigne dans mon ouvrage Aincourt un camp oublié paru chez Le Temps des Cerises. Elle avait internée dans ce sanatorium, réquisitionné par le préfet pétainiste de Seine-et-Oise pour y interner dès octobre 1940 des hommes militants du parti communiste interdit et des dirigeants de l'ex-CGTU chassés de la CGT sous la 3e République.

Odette Nilès, née Lecland, pour son appartenance au PCF interdit, avait été arrêtée le 14 juillet 1941, à 17 ans, pour participation à une manifestation contre l’occupant allemand. Le 13 août, elle manifeste à nouveau dans les rues de Paris. Mais cette fois-ci, la police française l’arrête et avec elle, seize jeunes gens de moins de vingt ans. Tous comparaissent devant un tribunal allemand qui siège pour la première fois en France. Leur chef d’inculpation : adhérents à la Jeunesse communiste. La police a trouvé des tracts et une caricature d’Hitler aux traits porcins au domicile de certains. Le réquisitoire est lourd : peine de mort pour trois d’entre eux; dix condamnés à la forteresse; quatre, dont Odette Lecland, la prison du Cherche Midi.. Après la cellule du Cherche Midi, elle est transférée à La Roquette. En septembre 1941, elle fait partie des 48 femmes, internées politiques, à destination du camp de Châteaubriant.

Malgré l'internement, Odette a un ami de cœur dans le camp : Guy Môquet; il lui a façonné une bague avec une petite pièce de monnaie.

Un jour, les Allemands sont venus chercher 27 otages pour être fusillés, dont Guy Môquet, le plus jeune d’entre tous. Ils ont été choisis par les autorités françaises, sur ordre de Pucheu, ministre de l’Intérieur de Vichy. Quand l’ensemble du camp, consigné, peut sortir de ses baraquements, on entonne la Marseillaise, à la mémoire des 27 patriotes exécutés en ce 22 octobre 1941.

Le 12 avril 1942, 60 femmes, dont Odette Lecland, arrivent dans le centre surveillé d’Aincourt.

13 septembre 1942, l’ancien sanatorium est promis à devenir lieu de formation pour les Groupes mobiles de réserve: les GMR pour combattre la Résistance et pourchasser les Juifs.

Odette et ses camarades internées politiques sont transférées à Gaillon. Les paillasses sont tellement sales qu’elles les jettent par les fenêtres. Courroux du directeur du camp qui « préférerait une troupe de 600 hommes que ces bonnes femmes ».

Nouveau camp, celui de Saint-Pierre-des-Corps. La nuit, il fait si froid que l’on couche à trois dans le même lit, pelotonnés sous trois couvertures pour ne pas trop grelotter. Une nuit, Jacqueline Vannier, qu’Odette connaît depuis Châteaubriant, s’en évade. Ses camarades ont disposé un polochon pour simuler sa présence. Les gendarmes n’y ont vu que du feu. À l’appel du matin, Odette prétend que Jacqueline est aux toilettes. Or, les gardes se sont aperçus de l’évasion. Punie, Odette est envoyée à Mérignac, près de Bordeaux.

Au cours de l’année 1944, Odette s’évade et rejoint les Francs-Tireurs et Partisans Français à Bordeaux. Elle rit encore, elle l’intrépide, on voulait au début la cantonner à la cuisine et à la vaisselle. Par la suite, Odette encadre les Forces Unies de la Jeunesse Patriotique, un groupement de résistance communiste. C’est là qu’elle rencontre Maurice Nilès, qui restructurait la Résistance du Sud-ouest. Il deviendra plus tard son mari.

Lors de mes recherches aux AD 78 pour écrire mon ouvrage, dans le fonds d'archives du camp d'internement d'Aincourt, j'avais découvert une lettre qu'Odette écrivit à la mère de Guy Môquet après son exécution par les nazis. Naturellement, l'administration française du camp ne l'avait pas transmise à une malheureuse mère endeuillée. Mais ces émouvants mots écrits, je les avais transmis à Odette.

Odette Nilès, née Lecland, une grande dame de la Résistance française.

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