10 août 1944: Ohé cheminots, saboteurs et résistants, c'est la grève insurrectionnelle!
A l’heure où le capitalisme et ses commis de droite et de son extrême, de gôche aussi, s’appliquent à oublier l’histoire, quand nos droits, conquis découlant notamment de la résistance au nazisme et à la collaboration jusqu'au bout du régime pétainiste et du patronat français à l'Allemagne nazie, s’éloignent par la volonté politique des exploiteurs et lorsque la souveraineté des peuples est plus que jamais mise à mal par les diktats de l'UE du capital, voici l'une des plus belles pages de l’histoire ouvrière française.
Il y a 75 ans, le 10 août 1944, le Comité central de grève des cheminots appelle tous les travailleurs du rail à la grève insurrectionnelle. La France est toujours occupée par l'Allemagne nazie et le gouvernement pétainiste et le patronat français collaborent toujours à l'effort de guerre et aux persécutions du régime hitlérien.
A partir de juin 1940, la présence de l’occupant nazi dans les rouages de la SNCF se fait sentir de manière directe ou indirecte. Dans le moindre poste d’aiguillage, le moindre dépôt ou atelier de maintenance, les cheminots sont dépossédés de leur outil de travail. Des Allemands doublent les Français dans les postes de direction des établissements. Des cheminots de la Reichbahn allemande sont envoyés en France. La SNCF va être placée sous le contrôle de la Reichsbahndirektion créée à Paris.
De plus, avec l'accord du gouvernement de Philippe Pétain, la SNCF fournit au Reich allemand des locomotives et des wagons. De plus, l'armistice signée par le gouvernement pétainiste accorde la priorité à l'effort de guerre allemand dans les chemins de fer français.
Le métier des cheminots est capital dans l’organisation du territoire que les nazis occupent. Ceux-ci ont besoin du rail pour transporter leur armée, la production française vers l'Allemagne et les convois de déportés.
Mais, rapidement, les cheminots s'engagent dans la Résistance. Et la corporation paie un lourd tribu: 8 938 cheminots sont morts et 15 977 blessés par faits de guerre. 2 480 sont déportés dans les camps nazis et 1 100 n'en reviennent pas. A cela s'ajoute les 2 361 tués par l'ennemi pour faits de résistance.
Le 10 Aout 1944, alors que l’armée allemande est affaiblie par sa défaite progressive dans la bataille de Normandie, le comité central de grève des cheminots lance la grève insurrectionnelle contre l’occupant à l'appel de la fédération CGT clandestine.
La réussite du mouvement va donner confiance aux travailleurs d’autres entreprises qui entrent dans la grève générale éclatant le 18 Août, pour permettre à l’ensemble de la classe ouvrière de prendre part aux combats pour la libération de Paris aux cotés de la résistance parisienne dirigée par le communiste et ancien secrétaire du syndicat CGT des travailleurs de la métallurgie, Henri Rol-Tanguy.
Par décret du 3 octobre 1949, la SNCF est titulaire de la Légion d'honneur, pour avoir:
- constitué dans son sein le réseau de renseignements le plus efficace pour le commandement allié;
-désorganisé les transports de l'ennemi au prix de multiples emprisonnements, déportations et exécutions.
Après la Libération du territoire:
- assuré au milieu des ruines et de la destruction de la plupart des ouvrages d'art, de nombreux transports militaires, en rassemblant tout ce qui lui restait de moyen
- réparé et reconstruit en un temps record son matériel et ses installations aux trois quarts hors d'usage
- restitué au pays un réseau qui s'est révélé capable en 1948 d'effectuer un service équivalent à celui de la meilleure année d'avant-guerre.
Le général Eisenhower, commandant en chef des forces alliées sur le front Ouest, fixe l'appui de la Résistance et l'insurrection des cheminots à l'équivalent "en hommes de 18 divisions et, grâce à leur assistance, la rapidité de notre avance à travers la France fut grandement facilitée".
Le grand écrivain François Mauriac, pourtant étranger socialement et politiquement à la cause prolétarienne, écrira "La classe ouvrière française, dans ses profondeurs, est seule à être restée fidèle à la patrie profanée."
Le déclenchement de la grève insurrectionnelle des cheminots lui vaut une reconnaissance de la Nation. De ce fait, comme chaque année, le 10 août, la fédération CGT des cheminots est présente au ravivage de la flamme sur la tombe du soldat inconnu sous l'Arc de Triomphe, à Paris.
Une grève générale, commémorée sous l'Arc de triomphe, est un fait unique dans l'histoire de France.
En ce samedi 10 août 2019, la République dirigée par Emmanuel Macron et ses ministres était absente de cette commémoration officielle. Faut-il s'en étonner? En ce 75e anniversaire de la grève insurrectionnelle des cheminots, le préfet de police de Paris a interdit la formation d'un cortège partant des Champs-Elysées vers la Place de l'Etoile. Faut-il également s'en étonner?
Cette année aussi, la municipalité de Paris et toutes ses composantes dans l'exécutif municipal, officiellement invitées, ont brillé par leurs absences. Mais lorsqu'on est en campagne électorale, loin, très loin des exigences légitimes du peuple souverain, faut-il toujours s'en étonner?