Cahier de doléances ou cahier de revendications?
Le premier découle de la convocation des Etats généraux par la monarchie absolue de droit divin de Louis XVI. Ses sujets doivent transcrire leurs "voeux et revendications" dans des cahiers dits de "doléances".
Il ne s'agit nullement de remettre en cause le monarque, "père et providence" de la France et Louis XVI aura le dernier mot lors de la conclusion des Etats généraux.
Or l'abbé Siéyes va tout remettre en cause dans cette assemblée composée des représentants du clergé, de la noblesse et du tiers-état, celui-ci représentant plus de 88% des sujets du roi. Sa publication va connaitre un succès immense et remettre tout en cause. Louis XVI avait escompté sur la noblesse et le clergé pour lâcher un peu de lest, tout en conservant son pouvoir absolu.
"Qu'est-ce que le Tiers état? Tout", écrit l'abbé Sieyès qui poursuit: "Qu'a-t-il été jusqu'à maintenant? Rien. Que demande-t-il? A devenir quelque chose." La Révolution française de 1789 va bientôt débuter.
Aujourd'hui, les gilets jaunes ont rejeté franchement la présence des politiques à leurs côtés. Comment leur donner tort? A regarder les partis s'affirmant progressistes, dans leurs analyses, le bulletin dans une urne reste la solution unique. Ils ne sont plus dans les syndicats et les associations pour les entendre. Quant à la représentativité démocratique, depuis le conseil municipal jusqu'au Parlement, comment sont représentés les femmes, les ouvriers, les employés, les sans-emploi et les précaires, les retraités de ces catégories sociaux-professionnelles?
Ne pas s'étonner, face à cette mal-vie entièrement occultée, du vote pour l'extrême droite et de l'abstention populaire qui va crescendo.
Mais les gilets jaunes rejettent également les syndicats, notamment la CGT avec son cahier revendicatif sur le pouvoir d'achat, les services publics, la politique fiscale ou la démocratie.
Les dernières élections professionnelles dans le secteur public (SNCF, RATP, Fonction publique, la Poste) révèlent une abstention grandissante. En pleine remise en cause des services publics, cela ne doit pas interroger?
Mais dans le secteur marchand et le public, doit-on privilégier l'idée de sortir du capitalisme en crise ou de réduire les effets de la crise du capitalisme sans en sortir? Et les revendications légitimes, remontées des barrages, ont-elles été partout absentes dans les Négociations Annuelles Obligatoires (NAO), imposées par les luttes dans le Code du travail (article L 2242-8) sur la situation salariale et l'organisation du travail?
La CGT s'est créée le 23 septembre 1895, pas pour humaniser le capitalisme, mais pour avancer "vers une société démocratique libérée de l'exploitation capitaliste et des autres formes d'exploitation et de dominations", comme le stipulent nos Statuts. Oui, pour libérer le monde du travail, celui qui produit de la richesse dans son labeur comme dans les têtes, de l'exploitation capitaliste. Ce ne sont pas que des mots anciens, mais un principe fondamental dans les luttes, hier comme aujourd'hui.
Alors, cahier de doléances ou de revendications?
Peu importe. Mais avec son "débat national", le commis, placé à l'Elysée par le capital et quelques autres, a la même ambition que Louis XVI à son époque: enfumer le peuple pour conserver son pouvoir absolu découlant de la Constitution monarchique de notre 5e mauvaise république.
Or, les revendications sur l'augmentation du pouvoir d'achat, la défense des services publics ou la démocratie demeurent intactes. Et pour l'heure, il y a loin d'un mouvement de masse coordonné pour lutter contre le capitalisme, ses commis et ses zélateurs.
Mais si nous changions de cap. Non?