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Publié par Le Mantois et Partout ailleurs

CAPTURE D'ECRAN

CAPTURE D'ECRAN

Aujourd'hui Les femmes dans l’industrie 

 

    Par millions, les hommes endossent l’uniforme. Mais  la France, assurée d’une guerre courte et victorieuse, sa priorité a été de soutenir l’agriculture, mère nourricière des armées et de la nation. Dès lors, 47% des entreprises ferment, le personnel mobilisé à 22% ou congédié pour 44%, ce qui n’affecte en rien l’optimisme du gouvernement. Les établissements ouverts n’emploient plus que 34% des effectifs, ce qui amoindrit la production et gonfle le nombre des chômeurs, grossi déjà par les ouvriers du Nord et de la Belgique occupés par les Allemands. Beaucoup de femmes sont victimes du chômage, leurs usines ayant fermé. Mais cela aussi ne serait que passager.

     Or, dès 1915, la guerre se prolongeant, les ennemis sont sur le sol de la patrie et la victoire est incertaine : l’urgence commande de rouvrir alors les établissements industriels et d’intensifier la production de l’armement. « En 1914, notre industrie n’était certes pas la mieux organisée du monde et l’on nous reprochait, non sans raison, quelque lenteur à nous mettre au niveau des derniers progrès de l’outillage ou des méthodes. Nos ennemis, très en avance sur nous à cet égard, allaient accentuer encore notre infériorité en envahissant nos régions les plus industrielles », dit André Citroën, de cette époque.

     Et voilà l’État qui rappelle du front 400 000 ouvriers spécialisés et chefs d’équipes. En 1918, les arsenaux en recensent 1 700 000, contre 50 000 au début de la guerre. Dès le mois de mai 1917, 680 000 femmes, 200 000 travailleurs venus des colonies, 80 000 étrangers et 300 000 prisonniers allemands sont employés dans l’industrie.

     Le nombre des femmes au travail est fulgurant, comme le démontre les effectifs des usines Renault de Billancourt : Janvier 1914, 4 970 salariés, 190 ouvrières, soit 3,8% du personnel. Décembre 1916, 20 157 salariés, 3 654 ouvrières, soit 18,1%. Mars 1918, 21 400 salariés, 6 770 ouvrières, soit 31,6%.

     Dans le département de la Seine, les effectifs ouvriers féminins s’accroissent de 23,3% entre 1915 et janvier 1919, le taux féminin de la population industrielle française passant de 27,8 à 32,2%. Albert Thomas, sous-secrétaire d’État à l’Artillerie, en est le maître d’œuvre ; par ses circulaires du 16 novembre et du 15 décembre 1915, et du 8 janvier 1916, il incite les industriels à employer des femmes pour libérer des hommes pour le front. Le 20 juillet 1916, il dresse la liste précise des travaux réservées aux femmes dans les usines d’armement, ceux-ci ne devant jamais être tenus par des ouvriers qui pourraient se voir mobilisés.

     Cette augmentation accrue des femmes au travail s’accompagne de dérogations à la législation sur les heures supplémentaires et la durée du travail ; le repos hebdomadaire, par contre, revient en 1917, à cause des grèves organisées par les ouvrières ou des nombreux accidents de travail. Et le travail de nuit n’est interdit, par circulaire ministérielle du 1er juillet 1917, que pour les femmes âgées de moins de 18 ans.

     Les femmes, sauf rares exceptions, ne sont pas utilisées dans des emplois qualifiés. L’une des exceptions : la Mayenne et les ardoisières de Renazé, où elles remplacent des ouvriers spécialisés. Sans doute, dans cette région, les classes mobilisables sont bien trop importantes pour que l’usine fonctionne. Or, malgré leur spécialisation et qu’elles travaillent comme des hommes, ces ouvrières sont moins rétribuées. On les emploie par groupe de 40 à 50 et dans des ateliers construits spécialement pour elles. Dans une pièce, le « quernage » consiste à refendre les blocs de schiste et à les diviser en repartons de 8 à 10cm d’épaisseur. Les repartons sont transportés dans des wagonnets pour l’atelier de fente. Les fendeuses, debout derrière des tables, vont manoeuvrer des presses avec le genou. Les repartons sont serrés comme dans un étau, droits et rigides avant qu’ils ne soient fendus à l’aide d’un ciseau. Les ardoises sont ensuite mises aux normes, grâce à un autre couteau.

      En fin d’année 1917, le personnel féminin dans l’industrie et le commerce dépasse de 20% son niveau d’avant-guerre. L’industrie modernise l’outillage pour l’adapter à la force physique des femmes : appareils de levage et de manutention, engins à décharner dans les mégisseries ou bien encolleuses dans les manufactures de coton ; l’usine Citroën, quai de Javel sur la Seine, est créée de toutes pièces, avec dans des secteurs 80% de femmes salariées.

     Il n’y a pas qu’à Paris où cette main d’œuvre s’accroît. A Mantes-la-Jolie, en Seine-et-Oise, un atelier public est fondé dans un ancien couvent ; des ouvrières y confectionnent des vêtements chauds pour l’armée, jusqu’à fournir « 94 749 chemises et 759 484 caleçons en 1918 ». Sous l’afflux des commandes, la ville paie des pénalités pour retard dans les livraisons, sans que le ministère de la Guerre n’ait « un égard au caractère de bienfaisance de l’œuvre », révèlent les archives de la ville. Devant la guerre qui dure, le conseil municipal est obligé d’acheter des machines électriques afin de fournir 30 000 chemises et 20 000 caleçons à la 1ère région militaire. En outre, la ville paie une part des salaires des femmes, les sommes attribuées par le ministère « étant trop basses ». Dès l'Armistice, l'atelier public est fermé et le personnel féminin licencié.

     Après l’occupation du nord du pays par les armées allemandes, les centres industriels provinciaux sont sollicités : Lyon, Saint Étienne, la vallée de la Romanche, l’estuaire de la Seine ou le Midi. Souvent, l’hébergement des femmes célibataires est rudimentaire : cloisons de bois inefficaces contre le froid et l’humidité, châssis de lit à même le sol, plusieurs occupantes par paillasse, pas d’armoire pour les vêtements ni d’eau courante ni de toilettes. L’inspection de ces cantonnements par les services de l’État n’intervient qu’à la moitié de l’année 1916. De plus, les salaires sont bas et toujours inférieurs aux hommes pour la même utilisation, les journées de travail s’allongent. Toutes les protections envers la maternité n’existent plus. « Il n’y a plus de droits ouvriers, plus de lois sociales, il n’y a plus que la guerre », déclare Alexandre Millerand (1859-1943), ancien socialiste et ministre de la Guerre, le 13 janvier 1915, à une délégation de la fédération CGT des métaux.

     Une allocation est versée aux femmes de soldats, mais cela ne suffit pas pour augmenter les salaires. Le Pas-de-Calais fixe une somme versée, chaque mois, à 6 millions de francs, entre le 2 août 1914 et le 21 juillet 1918. Mais, plus de 115 000 bénéficiaires se la partagent, soit 1F, 25 par jour en 1914, porté à 1F, 50 en 1917 ; s’y ajoute une majoration de 50 centimes pour charge de famille en 1914, un franc en 1917.

 

A suivre: les munitionnettes

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