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Publié par Le Mantois et Partout ailleurs

24 mars 1871: Emile Digeon et la Commune de Narbonne

 

Si le 18 mars marque l'anniversaire de la Commune de Paris en 1871, ce mouvement révolutionnaire inspira d'autres villes françaises, dont celle de Narbonne dans le département de l'Aude, le 24 mars de cette même année.

Lorsque Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République, par son coup d'état du 2 décembre 1851, viole la Constitution et rétablit l'Empire héréditaire, 32 départements sont mis en état de siège par le nouveau pouvoir, dont celui de l'Aude. Et lors du dernier plébiscite intenté par Napoléon III, la ville de Narbonne vote NON par 1917 voix contre 1494 OUI.

Emile Digeon, né à Limoux dans l'Aude, est arrété et déporté en Algérie après le coup d'état de Louis-Napoléon Bonaparte. Ils s'en évade pour rejoindre l'Espagne. Amnistié, il se fixe dans son département natal et devient rédacteur de la Fraternité, journal républicain de Carcassonne soutenant que la République issue du 4 septembre 1870 oublie la justice et le progrès social.

Après la proclamation de la Commune de Paris, les révolutionnaires narbonnais pressent Emile Digeon de se rendre à Narbonne « afin d’y proclamer la Commune centrale de l’arrondissement avec union au gouvernement de Paris. »

Sous sa conduite, vers 8 heures du soir de la journée du 24 mars, une foule envahit l’Hôtel de Ville. Digeon prend la direction des opérations et s’installe avec ses principaux partisans dans la mairie. Il se présente au balcon et proclame la constitution de la Commune de Narbonne. Le drapeau rouge remplace le drapeau tricolore.

Pour s’opposer aux insurgés, les autorités versaillaises disposent des 1500 hommes du 52e de ligne placés en position d’attaque sur la place de l’Hôtel de Ville et dans la rue de la Poissonnerie. Les soldats mettent la crosse en l’air, les officiers sont rapidement désarmés et faits prisonniers. Après avoir pris possession de la sous-préfecture, le citoyen Nègre, à la tête de 40 gardes, surveille l’édifice. Digeon ordonne au chef de gare et au chef de la station télégraphique de ne reconnaître qu’une seule autorité, celle de la Commune.

La journée du 27 mars est assez calme ; des délégués des communes environnantes viennent donner leur adhésion à la Commune de Narbonne et demander des instructions.

Le 28, les insurgés s’emparent de l’Arsenal. Ils font prisonniers les soldats qui le gardent et récupèrent quelques armes et cartouches. Pour empêcher les Versaillais de recevoir des renforts, Digeon fait enlever les rails du chemin de fer dans toutes les directions, sans intervention des gendarmes qui protègent la gare. Mais il est déjà trop tard. Digeon est prévenu de l’arrivée de deux compagnies de Turcos en provenance de Perpignan. Il fait renforcer les postes de défense, mais en vain : les renforts versaillais se poursuivent le 29 et le 30.

Le général Zentz, vers minuit, fait occuper l’entrée opposée des rues barricadées. Le 31 mars, à 3 heures du matin, un détachement de Turcos se trouve à peu de distance de la barricade de la rue du Pont. Digeon fait doubler les postes de défense. Quelques gardes veulent fraterniser avec les Turcos. Ils sont accueillis par une fusillade qui fait deux morts et trois blessés.

Les Versaillais occupent Narbonne Des mandats d’arrêt sont lancés. Les citoyens impliqués sont enfermés avec des voleurs et Digeon jeté dans un cachot. Les interrogatoires commencent rapidement ; ils seront terminés le 23 avril 1871.

Le 13 novembre 1871, les insurgés sont conduits au palais de justice de Rodez. Ils sont accusés d’avoir, à Narbonne, du 24 au 31 mars 1871, fait partie d’une bande armée, «  laquelle a exécuté un attentat ayant pour but de détruire ou de changer le gouvernement, et d’exciter à la guerre civile, en portant les citoyens ou les habitants à s’armer les uns contre les autres… ».

Au président du tribunal qui conteste à Digeon le droit à l’insurrection, le prévenu riposte : « Personne ne déteste plus que moi la guerre civile. Mais il est une chose que je déteste plus que la guerre civile, c’est la tyrannie. » Le président lui reproche alors d’avoir arboré le drapeau rouge. Il répond : « Le drapeau rouge est mon drapeau depuis que le drapeau tricolore a été souillé à Sedan. »

Malade et oublié même par ses amis, Émile Digeon meurt le 24 mars 1894, jour anniversaire de la proclamation de la Commune de Narbonne. Pour ses obsèques, il avait demandé que la seule cérémonie fût la lecture de son testament révolutionnaire.

Jusqu’au bout, il avait mis en garde les travailleurs contre tous ceux qui flattent le peuple pour mieux le duper : « (…) Au point de vue social, je regarde comme nuisibles à l’humanité tous les individus qui aspirent à gouverner les autres, sous une forme quelconque et surtout ceux qui causent la misère des travailleurs en accaparant les richesses que ces derniers produisent (…)  ».

C'est toujours d'actalité.

24 mars 1871: Emile Digeon et la Commune de Narbonne

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