Les ouvriers
Ils sont gens du labeur, des petits, des sans-grade,
Toute leur vie on leur a répété ceci:
Vos pères étaient des gueux sans aucune échappade,
Gourds de sueur, de misère et de pain rassi.
On les a remisés dans un coin toujours sombre,
Au creux des cubes gris que la ville a bâti,
Crucifiés dans le silence froid de l'ombre
Où la vie et les étoiles sont décaties.
Ils furent en abondance dans les usines,
Aux tréfonds de la mine ou sur les champs amers,
Ils ne comptèrent pour rien puisque sans racine:
Sous les rides du ciel, l'obscur est éphémère.
Ils sont encore là oubliés du désastre,
Au silence d'antan s'accroche le mépris.
Leurs mains calleuses valent moins qu'une piastre,
Leur jour mime la nuit et autour nul ne crie.
Ils sont gens du labeur, des petits, des sans-grade,
Toute leur vie on les a rabaissés ainsi.
Leurs pères étaient des gueux sans aucune échappade.
Mais les miens en étaient et je les remercie.