Un parquet financier : quelle avancée ?
On allait voir ce qu’on allait voir, on nous annonçait pour le conseil des ministres de ce jour un « texte
fort » sur la lutte contre la délinquance financière. On a vu… que rien n’allait changer ou presque.
Le président de la République, dans une grande solennité, a effectivement présenté comme l’une des mesures phares de
ce texte, la « création d’un parquet financier, d’un procureur spécialisé avec une compétence nationale pour les affaires de corruption et de grande fraude fiscale » qui
coordonnera les enquêtes en la matière, ce qui permettrait ainsi une « concentration des moyens » et une « efficacité des procédures ».
C’est d’abord oublier qu’il existe depuis plusieurs années des
juridictions spécialisées dans la délinquance économique et financière, comprenant notamment des parquetiers et des juges d’instruction. C’est oublier aussi que ces enquêtes longues et
complexes sont le plus souvent confiées – ou du moins devraient l’être… - à des juges d’instruction indépendants et non à des magistrats du parquet, dont le lien avec le pouvoir exécutif
n’est toujours pas remis en cause. Il est difficile de voir dans ces conditions l’avancée majeure qu’est censée constituer l’annonce de François Hollande.
Surtout ce n’est pas la centralisation des poursuites entre les mains d’un procureur qui garantira une lutte
effective contre la fraude fiscale et la corruption, et plus généralement contre la délinquance financière. Le principal obstacle à cette lutte, souligné par de nombreuses associations et
des organisations internationales comme l’OCDE, c’est la dépendance du parquet vis-à-vis d’un exécutif parfois peu pressé de voir poursuivre certaines affaires où se mêlent intérêts
politiques et économiques, les années passées l’ont largement démontré. La véritable « réponse forte » ce serait de réformer
enfin le statut des magistrats du parquet pour que leur carrière ne dépende plus du pouvoir exécutif – ce qui est actuellement le cas et le restera même après la réforme du Conseil
supérieur de la magistrature annoncée. Ce serait en outre de leur permettre d’exercer pleinement leur mission de poursuite, y compris en matière de fraude fiscale où leur action est encore
subordonnée à l’aval du ministre du budget… Ce serait plus largement de permettre à certaines associations de saisir elles aussi le juge d’instruction, de rattacher au ministère de la
justice des officiers de police judiciaire dépendant aujourd’hui du ministère de l’intérieur, et de donner aux juges d’instruction et aux parquets
spécialisés les moyens spécifiques dont ils ont besoin en ces matières techniques.
Si les mesures annoncées pour une plus grande transparence de la vie politique et contre les paradis fiscaux sont
encourageantes, celles pour lutter contre la délinquance financière ne sont décidemment pas à la hauteur. Il manque manifestement au
gouvernement et au parlement la volonté politique de donner à l’autorité judiciaire l’indépendance et les moyens nécessaires à l’accomplissement de sa mission.