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Publié par Le Mantois et Partout ailleurs

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Narbonne, ma ville natale, – environ 17 000 habitants en 1871 – a connu au printemps 1871 une des plus intenses poussées révolutionnaires. Son objectif : soulever tout le Midi et créer un mouvement révolutionnaire armé qui rejoindrait Paris pour faire triompher le mouvement communaliste contre Versailles.

Une ville républicaine

Au plébiscite du 8 mai 1870, qui marque la consolidation du Second Empire, la ville de Narbonne vote non par 56,5 %, sensiblement le même chiffre que Paris (56,8 %), alors qu’au niveau national l’Empereur écrase les démocrates avec plus de 80 % de oui. La défaite de Napoléon III à Sedan permet la proclamation de la IIIe République le 4 septembre 1870, à Narbonne comme ailleurs. Mais rapidement, les grandes figures républicaines du département, au passé pourtant commun d’ex-proscrits de l’Empire, se déchirent. Tandis que la guerre franco-prussienne se poursuit, la gauche républicaine audoise et narbonnaise se radicalise. Face à ce qui est vécu comme la trop facile réintégration de l’ancienne élite impériale au nouvel ordre républicain, la suspicion s’installe.

Du club Lamourguier au « club de la Révolution »

Deux clubs structurent la vie politique narbonnaise. Le club de l’Union rassemble les conservateurs, et le club Lamourguier les républicains, dans l’ancienne église Lamourguier désaffectée. Au sein du club Lamourguier, deux tendances se font face : « modérés » et « intransigeants ». En janvier 1871, les modérés sont mis en minorité et le club prend le nom de « club de la Révolution ». Baptiste Limouzy est alors élu président du club, et déclare : « pour arriver à la République, il faut passer par la Révolution » (22 janvier 1871). C’est au club de la Révolution qu’Emile Digeon, journaliste du journal La Fraternité de Carcassonne, invité le 12 mars devant une salle comble, lancera un véritable appel aux armes pour la défense de la République, et demandera aux militants d’arborer le drapeau rouge.


Fin janvier 1871, le chancelier Bismarck, suite à l’armistice, demande l’organisation d’élections. Les républicains font campagne pour « la guerre à outrance », tandis que les conservateurs promettent la paix. Ils triomphent, remportant, dans l’Aude, les six sièges en jeu. Pourtant, la ville de Narbonne a voté républicain. Au vu de cette assemblée dominée par les députés monarchistes, pour les républicains « intransigeants » du club de la Révolution, on n’est plus en République. Leur république sociale, démocratique, est à venir.

La Commune

A la nouvelle de l’insurrection parisienne le 18 mars 1871, le club de la Révolution tente dès le 20 mars d’engager la ville dans le mouvement. Pensant pouvoir faire pression sur le conseil municipal, majoritairement constitué de républicains modérés, le club rédige une adresse qui se termine par ces termes : « les soussignés déclarent ne plus reconnaître le gouvernement de Versailles et viennent demander aux conseillers municipaux de Narbonne d’avoir à se prononcer et à informer leurs concitoyens s’ils sont prêts à obéir au gouvernement de Paris ou à celui de Versailles ». Le club demande aussi au conseil l’armement immédiat de la Garde nationale, revendication que celui-ci avait toujours refusé de satisfaire. Mais le conseil municipal refuse de se réunir.


Le 24 mars, le commandant de la Garde nationale est finalement autorisé à distribuer une certaine quantité de fusils à ses hommes. Rapidement, le bruit court que des armes sortent de l’Hôtel de ville. La distribution dégénère. Toute la garde nationale se présente, ainsi que d’autres citoyens. Le peuple en armes, sur la place de l’Hôtel de ville, scande : la Commune ! la Commune ! L’Hôtel de ville est envahi. C’est Emile Digeon qui monte au balcon de l’Hôtel de ville et proclame la « constitution de la Commune centrale de l’arrondissement de Narbonne, avec union à celle de Paris ». Il en sera le « chef provisoire », et Baptiste Limouzy le président.


Mais, à Narbonne, se trouvait une caserne renfermant 1500 soldats du 52e de ligne. Qu’allait faire la garnison ? Le 25 mars, une partie de la réponse est donnée : envoyés pour s’emparer de l’Hôtel de ville, des soldats passent au peuple, et partent aussitôt enrôler leurs camarades. Le soir, on compte près de 250 soldats communards. Dès lors, le commandant barricade ses hommes, par crainte de la contagion révolutionnaire. La garnison est neutralisée. Cela est confirmé le lendemain, 26 mars, lorsque Digeon et une troupe de plus de deux cents communards s’emparent de la sous-préfecture, et, à la gare, du télégraphe, sans être inquiétés. Les communards sont maîtres de la ville.


Pour vaincre l’insurrection, le gouvernement de Versailles rassemble une véritable petite armée venue de Toulouse, Carcassonne, Perpignan, Foix, Montpellier. Le 31 mars, le général Zentz, commandant les troupes, fait afficher dans Narbonne le placard dont les archives ont conservé la version manuscrite reproduite ici, après avoir installé des batteries d’artillerie pour bombarder l’Hôtel de ville.



Manuscrit de la proclamation du Général Zentz, 31 mars 1871 (Archives municipales de Narbonne)

Proclamation imprimée d’Emile Digeon au « Peuple de Narbonne », 30 mars 1871 (Archives municipales de Narbonne)

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Auparavant, vers 3 heures du matin, des échauffourées entre troupes de répression et communards avaient fait deux morts. Face aux menaces du général Zentz de lancer des obus sur la ville, les communards menacent d’exécuter des otages, dont Antoine Raynal, premier adjoint du conseil municipal déchu. Les civils et les femmes participent aux préparatifs de défense. Les rues bordant l’Hôtel de ville sont bloquées par des barricades.

 

Mais, finalement, face au déséquilibre des forces en présence et à la persévérance de la mission de négociation, l’Hôtel de ville est évacué. Une centaine de soldats communards sont arrêtés dans l’Hôtel de ville qu’ils avaient renoncé à défendre. Digeon, lui, se réfugie dans une maison amie, et demande le lendemain à y être arrêté.

Soulever tout le midi ? Un échec.

La Commune de Narbonne a pris très tôt la communication au sérieux, préparant des télégrammes, recevant des délégués pour porter la Commune à l’extérieur, prévoyant même une expédition armée sur Béziers le 29 mars. Pourtant son projet d’extension a échoué. Les tentatives de soulèvement synchronisées à Perpignan et Coursan, en soutien à Narbonne, sont des échecs, tandis que la Commune de Toulouse n’a tenu que deux jours (24-25 mars). Mais surtout, les villes voisines (Carcassonne, Béziers ou Sète) n’ont pas suivi, préférant ne pas soumettre des conseils municipaux républicains récemment acquis au risque d’une Commune éphémère.

Après la Commune.

Après les faits, Narbonne est quadrillée militairement, les soldats campent sur les boulevards, l’ambiance est lourde, mais il n’y a pas eu de massacre. La répression fut terrible dans l’armée : 203 soldats furent arrêtés, la grande majorité mutés dans des bataillons disciplinaires, et 19 furent traduits devant un conseil de guerre qui les condamna à mort. Ces peines, finalement commuées en travaux forcés à perpétuité, seront purgées en Nouvelle-Calédonie jusqu’aux amnisties de 1879 et 1880. En revanche seuls 44 mandats d’arrêt ont concerné des civils. La plupart, qui se présentèrent au procès de Rodez, en novembre 1871, furent acquittés, dont Digeon. Ceux qui avaient fui, dont Limouzy, seront condamnés à la détention à perpétuité et contraints à demeurer exilés.


Marc César (Université Paris 13)

Pour en savoir plus :

Marc César, Mars 1871 : La Commune révolutionnaire de Narbonne, Sète, Editions Singulières, 2008.

Paul Tirand, Emile Digeon (1822-1894). L’itinéraire singulier d’un communard, Paris, L’Harmattan, 2006.

Dites, vous les grands régents, pourquoi ne pas m'avoir appris l'histoire de mon pays? Allez, lo temps de vendemias (le temps des vendanges)!

 

 

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