Marche du 5 mai 2013: Fou qui fait le délicat
Champ de blé sous un ciel d'orage (vincent Van Goth)
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au coeur du commun combat
Aragon (La rose et le réséda)
Canaille le Rouge a mis le texte de Serge des bois en ligne:
Pourquoi je défilerai le 5 mai :
Nous vivons une situation sans précédent. Une majorité absolue « de gauche » existe et pourtant la politique qui est appliquée ne fait que suivre et même aggraver celle menée par les gouvernements de droite qui l'ont précédée.
Le matraquage idéologique auquel est soumis l'ensemble des peuples européens n'est pas sans conséquence quant aux possibilités réelles de mobilisation. On le voit en Grèce, en Espagne, en Italie .... Où, malgré une situation de plus en plus catastrophique pour les classes laborieuses, la mobilisation pour s'opposer à ces politiques est loin d'être au niveau que la situation réclame.
En France, un sondage fait apparaître que, face à ce qu'une majorité de plus en plus grande de nos concitoyens considère comme un échec absolu de la politique suivie, c'est un gouvernement d'union nationale, c'est à dire droite (UMP-centristes) et gauche (PS-Verts) qu'ils appellent de leurs vœux ....
La mise en application d'une véritable politique au service de ceux qui subissent de plein fouet la soi-disant crise du système n'est même pas envisagée !
Soi-disant crise du système car, si 80 millions d'européens n'ont pas de travail, les 10 % les plus riches deviennent de plus en plus riches. La quantité de richesses produites, loin de diminuer, est en augmentation constante, et c'est son accaparement par une minorité qui plonge la majorité dans plus de misère et de drames.
Face à cela, de quelles forces disposons-nous ? Le morcellement de la famille communiste et l'affaiblissement du PCF rendent impossible, en l'état, l'impulsion des luttes sur des bases vraiment révolutionnaires.
Analysons-bien ce qui se passe dans les grandes entreprises telles PSA ou Gandrange où, malgré la fin annoncée, le pourcentage de travailleurs en lutte reste minoritaire. Il ne faut donc pas prendre ses désirs pour des réalités, nos marges de manœuvres sont extrêmement ténues. Si on ne conçoit une action que si elle répond en totalité à nos propres analyses, on n'est pas prêts de bouger !
Non, les propositions de Mélenchon ne sont pas les miennes. Non, le Front de Gauche tel qu'il est "géré" ne me convient pas, mais ce sont là des réalités dont je pense qu'il faut tenir compte et se servir. Si nous en sommes capables, partons de ces propositions pour les emmener plus loin et, si nos forces ne sont pas suffisantes, considérons-les comme une avancée dans la bonne direction.
Je rappellerai pour mémoire, à Emmanuel Dang Tran, qu'avoir refusé toute alliance au moment de la désignation à la présidentielle, a abouti à l'absence d'un candidat communiste. On ne refait pas l'histoire, mais un candidat commun à tous ceux qui voulaient un candidat étiqueté « communiste » aurait peut-être entraîné l'adhésion de camarades qui sont restés chez eux face à ces divisions. De même, ceux qui ont refusé d'appeler à voter pour les candidats du PCF aux législatives peuvent mesurer aujourd'hui les conséquences de ce choix : si l'assemblée nationale était dans la même configuration que le Sénat (pas de majorité absolue au seul PS), n'aurions-nous pas d'autres moyens de pression ?
Je rappellerai aussi que Lénine savait réaliser des compromis avec des forces non révolutionnaires pour permettre la pénétration de ses idées dans les masses.
Alors, NON la manifestation du 5 mai ne correspond pas en totalité à ce que je souhaite ! Mais je pense que l'on peut s'en servir, comme lors des élections, pour redonner courage et perspective à ceux qui ne croient plus en grand-chose aujourd'hui (si c'est une réussite, c'est à dire plus de 100 000 personnes sur la place de la Bastille).
Je peux me tromper, mais ce dont je suis sûr, c'est que ce n'est pas en restant dans sa chapelle, persuadé que l'on détient la vérité, que l'on fera bouger les choses.
Dernier point : considérer que cette manifestation met en péril le défilé du 1er mai me semble relever du délire. Les organisations syndicales ont leur propre rôle à jouer, leur division actuelle rend plus que problématique la réussite de ce défilé. L'absence d'un véritable soutien de la part des confédérations aux luttes dans les entreprises (impulsion d'actions communes interprofessionnelles, voire transeuropéennes), voilà ce qui réduit l'impact des propositions syndicales, et non l'action des partis politiques qui, au contraire, devrait ouvrir de nouvelles perspectives.
Serge des bois
Canaille le Rouge soutient ce texte et y apporte ses observations. Voir ici sous le titre 5 mai 2013: link
Note de ma pomme: A partir de ces deux avis que j'approuve, quelques observations. Non pour me défausser en pratiquant la "rue vide" et la laisser à la réaction et aux factieux, mais pour le débat démocratique.
Pour permettre à la colère du peuple de s'exprimer, il faut le rassemblement le plus large possible et non entretenir l'idée du coup de balai providentiel pour placer Jean-Luc Mélenchon premier ministre, avec un programme différent de la politique ordonnée par François II (heureusement!), mais qui oublierait la socialisation des moyens de production et le renforcement des services publics. Et il n'y a pas de sauveur suprême, ni dieu ni césar ni tribun, proclame l'Internationale en 1871. A mon avis un texte révolutionnaire toujours d'actualité.
Toujours pour permettre à la colère populaire de s'exprimer, il faut mettre toutes les conditions possibles pour un tel mouvement. Par contre, dire: je fais une manif le 5 mai 2013 qui m'aime me suive, sans en avoir discuter avec tous les partis et organisations regroupés dans le Front de gauche, j'en déteste la forme. Et pourquoi avoir rejeter d'emblée, dans une discussion autour de cette manifestation, les syndicats ayant appelé à voter contre Sarko, comme la CGT, la FSU ou le Syndicat de la magistrature? Ce qui fait dire, à juste raison, dans l'Humanité-dimanche, à Thierry Lepaon, secrétaire général de la CGT sur la non-participation de la confédération au 5 mai 2013: "Quand un homme dit: "je fais une manif, venez!", la CGT ne répond pas à ce genre d'invitation."
Enfin, ne pas oublier, au-delà des socialistes qui gèrent le capitalisme, les vrais maîtres du pouvoir : le patronat et le capital. Il n'y a pas une crise financière qui a engendré une crise économique et sociale, laquelle a entraîné une crise politique et morale. L''essence du système capitaliste est sa volonté exponentielle d'accroître ses profits et de toujours moins valoriser, reconnaître et rémunérer le travail.
Remettre la question du travail et de la plus-value au centre de l'action, c'est autrement plus efficace que le meilleur coup de balai le plus salutaire soit-il. Le capitalisme est à détruire et non pas à dépasser comme s'il n'était qu'un concurrent dans une course. Or de cette question primordiale, on n'en débat pas ou si peu.
Ceci dit, fou serait celui qui ferait le délicat. La marche initiée le 5 mai 2013 pour un changement profond de notre société, j'en suis. Je serai aussi demain de toutes les actions qui rassemblent pour lutter ensemble. Mais sans mettre mes idées dans la poche, un mouchoir par-dessus, pour un éventuel sauveur suprême, quitte à me répéter.
Une façon de ne pas mener la lutte des classes à reculons.