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Publié par Le Mantois et Partout ailleurs

Après leur expulsion de leur campement à la veille du week-end pascal, ces Roms avaient été accueillis en catastrophe par le père Matthieu Thouvenot. Après leur expulsion de leur campement à la veille du week-end pascal, les Roms avaient été accueillis en catastrophe par le père Matthieu Thouvenot. | AFP/JEFF PACHOU

 Jean-François Carenco, préfet du Rhône, a été condamné par un juge à héberger les familles de Villeurbanne qu’il venait d’expulser. Il disait appliquer les décisions de justice en expulsant. On attend maintenant qu’il applique les décisions de justice en hébergeant.

 

 

Au cours de la cam­pa­gne pré­si­den­tielle, François Hollande, avait écrit que lors des déman­tè­le­ments des cam­pe­ments de Roms, il sou­hai­tait que des solu­tions alter­na­ti­ves soient pro­po­sées. Depuis jeudi 4 avril 2013, c’est chose faite. Un juge a condamné le préfet du Rhône à pro­po­ser un héber­ge­ment à des famil­les Roms qu’il venait d’expul­ser d’un ter­rain.

 

Les familles revendiquent l’accès au droit commun

 

Le 28 mars 2013, des famil­les Roms expul­sées de leur bidon­ville sont recueillies par un prêtre qui les abrite dans une salle parois­siale . Aidées par le MRAP et Enfant Sans Toit, les famil­les mon­tent des dos­siers afin de saisir le juge des réfé­rés sur la base de la juris­pru­dence du Conseil d’État du 2 février 2012 qui estime que le refus d’un héber­ge­ment d’urgence à une per­sonne en situa­tion de détresse cons­ti­tue une atteinte grave à une liberté fon­da­men­tale.  Et oui, même les ani­maux ont des droits alors les Roms qu’on jette à la rue comme des chiens en ont aussi, n’en déplaise à mon­sieur Valls.

 

Les 12 famil­les expul­sées sai­sis­sent donc le Tribunal Administratif de Lyon et lui deman­dent de leur assu­rer un héber­ge­ment adapté à leur situa­tion puis­que la police les a jetés à la rue et qu’on a cassé leur bara­que. Manuel Valls pré­tend que les Roms des cam­pe­ments ne veu­lent pas s’inté­grer ? Et bien ils vont lui prou­ver le contraire en deman­dant au juge l’accès au droit commun. Le droit commun, c’est l’arti­cle L 345-2-2 du code de l’action sociale et des famil­les : « Toute per­sonne en situa­tion de détresse médi­cale, psy­chi­que et sociale à accès, à tout moment à un dis­po­si­tif d’héber­ge­ment d’urgence ».

 

L’audience se déroule devant une salle comble. Le préfet cou­ra­geux ne se pré­sente pas et n’envoie per­sonne. Les débats durent plus d’une heure trente. Au terme de l’audience, les famil­les, sans solu­tion, vont passer la nuit devant le tri­bu­nal avec le prêtre qui les a accueillis et les asso­cia­tions en atten­dant le ver­dict.

 

Le len­de­main à 16 heures, après de lon­gues heures d’attente, le résul­tat tombe. C’est gagné… Le préfet est condamné. Hollande avait raison, on ne peut pas expul­ser sans pro­po­ser de solu­tions alter­na­ti­ves.

 

Dans son ordon­nance, le juge sou­li­gne que le préfet à jeté à la rue des famil­les avec des enfants en bas âge alors qu’il connais­sait par­fai­te­ment leur situa­tion. Il ajoute qu’une fois à la rue, les ser­vi­ces de l’État qui ont été contac­tés n’ont rien fait pour appor­ter une solu­tion. Le juge estime donc qu’il y a une carence de l’État qui n’a pas assumé son rôle : « La carence de l’État dans son obli­ga­tion d’assu­rer un héber­ge­ment d’urgence à des per­son­nes sans abri est carac­té­ri­sée et cons­ti­tu­tive d’une atteinte grave et mani­fes­te­ment illé­gale à une liberté fon­da­men­tale des requé­rants ».

 

La conclu­sion est sans appel (sauf devant le Conseil d’État…). Il est enjoint au préfet de pro­po­ser un lieu d’héber­ge­ment sus­cep­ti­ble de les accueillir dans un délai de 4 jours et sous astreinte de 75 € par jour de retard.

 

Une décision qui fait jurisprudence

 

La déci­sion du juge est un véri­ta­ble séisme selon les asso­cia­tions. Dorénavant, toutes les expul­sions de cam­pe­ments prô­nées par Valls vont pou­voir être contes­tées devant les tri­bu­naux. La chasse aux Roms devrait sérieu­se­ment se com­pli­quer pour le gou­ver­ne­ment. Terminé les stands de tir à la foire où on gagne à tous les coups. Terminé les sem­pi­ter­nel­les lita­nies de Valls sur ces Roms qui vivent dans des condi­tions épouvantables et qu’on met à la rue pour leur plus grand bien. Terminé ces vio­la­tions inces­san­tes du droit. Enough is enough a dit le juge. Contrairement à Viviane Reding qui n’a fait que parler, le juge, lui tape du poing sur la table en rap­pe­lant le droit et en met­tant une astreinte en cas de non res­pect du juge­ment.

 

Cette his­toire démon­tre qu’à force de taper sur ceux qu’on croit les moins capa­bles de se défen­dre et bien on obtient l’effet contraire. Le gou­ver­ne­ment veut expul­ser les Roms en cas­sant leurs cam­pe­ments, et bien le voilà obligé de les héber­ger. Retour à l’envoyeur. Elle montre ensuite qu’à force de taper sur les plus fai­bles, on pro­vo­que la réu­nion, l’alliance et la mise en commun de dif­fé­ren­tes forces qui ensem­ble, font bouger les lignes. A Lyon, c’est grâce à des famil­les volon­tai­res et dignes, des asso­cia­tions indé­pen­dan­tes, des avo­cats dis­po­ni­bles et, fait nou­veau, grâce à un prêtre sou­tenu par son Cardinal que ce résul­tat a été obtenu. Cette his­toire montre enfin qu’en France, il y a des juges indé­pen­dants qui pren­nent des déci­sions au nom de la République et que per­sonne ne peut les igno­rer, pas même un préfet ou un minis­tre qui se croient au dessus des lois .

 

Il y en a marre de ces situa­tions scan­da­leu­ses où des pré­fets, censés assu­rer l’ordre et la tran­quillité, cau­sent des trou­bles à l’ordre public en jetant à la rue, par cen­tai­nes, des hommes, des femmes, des vieillards et des enfants en bas âge sim­ple­ment parce qu’ils sont Roms. Il y en a marre de ces vio­la­tions du droit inter­na­tio­nal, du droit euro­péen et du droit fran­çais de ces pré­fets qui se croient, comme leurs hommes poli­ti­ques de tutelle, au dessus des lois. Il y en a marre de cette concep­tion pour­rie de la répu­bli­que où les lois sont vio­lées par ceux là mêmes qui les votent et par ceux qui ont la charge de les faire appli­quer.

 

Finalement, elle n’était pas si bête l’idée de François Hollande de ne plus expul­ser les cam­pe­ments sans pro­po­si­tions alter­na­ti­ves. Elle cor­res­pon­dait pile poil à ce que dit la loi. C’est juste un peu dom­mage qu’il ait mis au minis­tère de l’inté­rieur un homme qui ignore la loi et qui érige en grande cause natio­nale la vio­la­tion des liber­tés fon­da­men­ta­les des plus dému­nis. C’est un peu comme si il avait mis au minis­tère du budget un homme qui pos­sède un compte en Suisse et qui fraude le fisc.

 

On vit dans un monde de din­gues, vous ne trou­vez pas ?

 

Philippe Alain

 

Source: le blog de hobo-lullaby:link

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