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Publié par Le Mantois et Partout ailleurs

 

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Pour Olivier Compagnon, spécialiste de l’histoire politique et culturelle de l’Amérique latine, l’élection de Chavez, en 1998, a représenté la première contestation, dans les urnes, des politiques néolibérales imposées par le FMI.


Que représentait Hugo Chavez dans le processus politique engagé en Amérique latine ?

Olivier Compagnon. L’expérience vénézuélienne représente un moment fondateur du virage à gauche qu’a connu l’Amérique latine dans les années 2000. Fin 1998, l’élection d’Hugo Chavez fut la première contestation populaire par la voix des urnes des plans d’ajustement structurels imposés depuis les années 1980 par les politiques néolibérales. Une bonne partie de l’émotion ressentie aujourd’hui en Amérique latine est liée à cette fonction matricielle de la première élection de Chavez.


À quel projet de société correspondait son « socialisme 
du XXIe siècle » ?

Olivier Compagnon. Apparu en 2005, le « socialisme du XXIe siècle » est un slogan politique qui ne doit pas laisser croire à une transformation radicale de la société vénézuélienne. Après quatorze ans de chavisme, le Venezuela reste en effet une société capitaliste où les intérêts privés se portent toujours très bien et où, plus que jamais, règne le consumérisme. Au niveau des pratiques, Chavez représente toutefois le retour d’un État infiniment plus redistributeur qu’il ne l’était auparavant. Cela s’est traduit par des politiques sociales novatrices au travers desquelles a été redistribuée une partie de la rente pétrolière. Le taux de pauvreté est ainsi passé de 49,4 % à la fin des années 1990 à 27,8 % en 2010, ce qui explique le soutien politique durable des classes populaires.


Dans la sphère occidentale, certaines voix le définissaient comme un « dictateur ». Quelle était la réalité démocratique du Venezuela d’Hugo Chavez ?

Olivier Compagnon. Bien qu’il faille souligner certaines dérives autoritaires, par exemple dans le fait de gouverner par décret ou d’avoir mis la main sur une part importante des médias audiovisuels, le pouvoir de Chavez a toujours reposé sur une vraie légitimité démocratique et des élections régulières. Il a bénéficié du soutien d’une majorité de la population jusqu’à la dernière présidentielle d’octobre 2012. Il faut également insister sur la vitalité des pratiques politiques locales, dans le cadre des conseils communaux notamment, qui ont permis une réinsertion citoyenne de nombreux Vénézuéliens dans le cadre de la démocratie participative.


Incarnait-il un nouveau tiers-mondisme ?

 Olivier Compagnon. Au-delà de la réactivation rhétorique de la mythologie tiers-mondiste, Chavez s’est attaché au développement de relations Sud-Sud, avec l’idée de nouer des partenariats multiples permettant aux pays – et plus généralement à l’Amérique latine – d’échapper à la traditionnelle dépendance politique et économique vis-à-vis de Washington. C’est dans ce cadre qu’on a abondamment dénoncé les liaisons dangereuses de Chavez : ainsi son soutien inconditionnel au régime de Kadhafi au nom de la création d’un axe anti-impérialiste passant également par Moscou, qui contrastait fortement avec la volonté d’approfondir les pratiques démocratiques au sein même du Venezuela. Il faut faire une place particulière au cas de l’Iran qui est un partenaire traditionnel de Caracas depuis les années 1960, dans le cadre de l’Opep, et qui le demeurera quels que soient les changements de régime dans les années à venir.


Quel sera l’impact de la disparition d’Hugo Chavez sur sa « révolution citoyenne » ?

Olivier Compagnon. C’est difficile à dire dans la mesure où le chavisme était moins le produit d’une idéologie constituée qu’une nébuleuse hétérogène dont la cohésion reposait beaucoup sur la figure du président. Il faudra examiner attentivement, dans les jours qui viennent, la façon dont Nicolas Maduro – le dauphin désigné par Chavez en décembre dernier – pourra ou non contrôler certains secteurs importants du chavisme, en particulier l’armée qui compte des prétendants au pouvoir dans ses rangs. Une fois passés l’émotion liée au décès du "Comandante " et le temps du deuil, des tensions pourraient tout à fait apparaître.


Le Venezuela au-delà du mythe : Chavez, 
la démocratie, le changement social, 
d’Olivier Compagnon, Julien Rebotier et Sandrine Revet, Éditions de l’Atelier, 2009.


Entretien réalisé par 
Rosa Moussaoui pour l'Humanité.

 

Un autre point de vue sur Hugo Chavez, celui d'Evariste dans Respublica, un journal en ligne:


Hugo Chávez Frias n’est plus. Il a fait couler beaucoup d’encre. Cette dernière a permis d’écrire des vérités et aussi beaucoup de mensonges, en général par omission.
Ainsi, on n’a guère souligné que la constitution du Venezuela donne des pouvoirs au peuple en cours de mandat des élus, comme le référendum révocatoire utilisé une fois contre Hugo Chávez Frias. Une idée pour la France ? 
Grâce à Salin Larami
, nous pouvons mieux comprendre pourquoi Hugo Chávez Frias est populaire en Amérique latine. Lisez la suite des chiffres que nous lui avons emprunté pour la bonne cause…
A-t-on souligné qu’en 13 ans, il a remporté 15 scrutins sur 16, dans des scrutins dont aucun observateur international n’a suspecté la rigueur ?


La campagne d’alphabétisation Robinson I a appris à lire, écrire et compter à 1,5 millions d’habitants. Il n’y a plus d’illettrisme au Venezuela. Le taux de scolarisation est aujourd’hui de plus de 92 % et en 13 ans, le nombre d’élèves scolarisés est passé de 6 à 13 millions. Le taux de scolarité dans le secondaire est de plus de 73 %. Le nombre d’étudiants est passé de près de 900.000 à 2,3 millions.


Grâce à l’accord avec Cuba « pétrole contre médecins », le nombre de médecins a quadruplé pour arriver à 80 médecins pour 100.000 habitants avec accès aux soins gratuit. Le taux de mortalité infantile est passé de 19,1 pour mille à 10 pour mille. Un million et demi de Vénézuéliens ont retrouvé une vue correcte. Le taux de pauvreté est passé de 42,8 % à 26,5 %. Les inégalités ont diminué : l’indice Gini est passé de 0,46 à 0,39 %. L’accès à l’eau potable est passé de 82 à 95 %. Avec 60 % de dépenses sociales supplémentaires, le nombre de retraités est passé de 387.000 à 2,1 millions.


La consommation d’aliments a augmenté de 81 %, la production agricole locale correspond à 71 % des aliments consommés au lieu de 51 % à l’arrivée au pouvoir de Hugo Chávez Frias, la consommation de viande a augmenté de 75 %, le nombre d’enfants qui mangent gratuitement à l’école est passé de 250.000 à 5 millions, la malnutrition est passé de 21 % à 3 %, le taux de chômage est passé de 15,2 % à 6,4 %. Le salaire minimum, aujourd’hui le plus élevé d’Amérique latine, est passé de 16 dollars touchés par 65 % de la population à 330 dollars touchés par 21,2 % de la population, les femmes seules et les handicapés touchent 80 % du salaire minimum, les retraités n’ayant jamais travaillé 60 % de ce salaire minimum, le temps de travail est passé à 36 heures hebdomadaires et 6 heures par jour sans diminution de salaire.


La dette est passé de 45 % du PIB à 20 %. Avec un taux de croissance de 5,5 %, le PIB est passé de 4 100 dollars par habitant à 10 810 et internet et les télécommunications sont présents sur tout le territoire avec ses propres satellites. De plus, il distribue pour 90 millions de personnes à l’étranger du pétrole subventionné.
Les mauvaises langues diront que c’est grâce aux hydrocarbures. Mais pourquoi, avant Chávez, le peuple n’avait-il pas le droit d’en bénéficier ? A ce moment-là, les médias néolibéraux ne parlaient pas du Venezuela. Il est vrai que la rente pétrolière n’a pas aujourd’hui créé un fort développement industriel autocentré aux fins de permettre, à terme, de la création de richesse hors hydrocarbures. Eh bien, cela reste à faire.


Mais enfin, comment se fait-il que les « grands médias » n’aient pas la même vigueur pour protester contre les politiques néolibérales en Grèce, au Portugal, en Espagne, et… en France ?

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