De Larache (Maroc) au Qatar: suite
Mon ami Gilbert Dubant est rédacteur en chef de Mémoires Vives, le journal de l'Institut CGT d'histoire sociale de l'Île-de-France. Il éclaire, de sa verve coutumière et de sa grande connaissance du monde arabe, deux de mes précédents articles sur le roi du Maroc et l'émir qatari, sous le titre:
le viol des femmes marocaineset des banlieues françaises
La proximité entre deux papiers parus récemment sur le blog de Roger Colombier est frappante. Le premier traite du suicide d’une fille de 16 ans à Larache, au Maroc, dans des conditions atroces, pour échapper au mariage forcé consécutif à un viol, avec bénédiction des deux familles. Le second parle de la générosité de l’émir du Qatar, qui a failli investir 50 millions d’euros pour stimuler la création d’entreprises dans les banlieues françaises « sensibles », et se serait ravisé devant la possible arrivée de la gauche. Point commun : la rencontre de l’obscurantisme et de l’impérialisme.
Sa Majesté Mohamed VI est indiscutablement le fils de son père, le peu regretté Hassan II. Il est à la fois Commandeur des Croyants, Amir al-Mouminin, roi par la grâce d’Allah et businessman rapace, tout comme papa. Une différence cependant : le père n’était pas embêté par les barbus, puisqu’il liquidait par meurtre discret toute opposition constituée. La montée salafiste, au Maroc comme dans tout le monde arabo-sunnite, pose des problèmes à fiston. Il a même été obligé de nommer premier ministre le nommé Abdelillah Benkirane, islamiste déclaré, dont le titre de son parti, Justice et Développement, est en soi une sinistre rigolade. À titre indicatif, son prénom signifie « serviteur de Dieu », sans doute par prémonition.
La fille du Diable
On ne voit donc pas pourquoi Mohammed VI s’opposerait à ce qu’une fille de 16 ans soit successivement violée et fiancée à son agresseur à l’insu de son plein gré. Même en supposant qu’il le souhaite, le roi n’a aucune chance d’imposer des pratiques qui relèvent moins de la religion que de la tradition (Al-Qaida signifie à la fois la base et la coutume). Les droits de la femme sont une denrée si rare que les Marocaines qui les défendent sont des héroïnes méritant le soutien actif de tous les démocrates, d’Europe et d’ailleurs. Soit dit en passant, ne faisons pas trop les malins ! Les mariages arrangés ne sont pas si anciens en France, et il a fallu attendre 1975 pour que les femmes puissent ouvrir un compte en banque sans l’autorisation maritale.
Mais revenons à cette malheureuse qui meurt dans d’atroces souffrances après ingestion de mort-aux-rats. Avait-elle une autre issue ? Certes, celle de passer une partie de sa vie auprès de son violeur. Il lui aurait reproché de ne pas avoir combattu les impulsions irrépressibles de l’homme tenté par le Chaïtane, alias Iblis, le Lucifer local, via cette diablesse qu’il aurait remplacée après quelques enfants par une vierge de vingt ans sa cadette. La famille de l’agresseur aurait payé une somme convenable au papa de l’adolescente, dont l’honneur se cote en dirhams. La loi marocaine, article 475 ou autre, comme d’ailleurs le Code de la Famille algérien, considère la femme comme mineure perpétuelle en matière d’emploi, de mariage, d’autorité parentale ou de succession. La montée islamiste renforce l’obscurité et Mohammed VI n’a pas l’intention de se mettre à dos la quasi-totalité de la population masculine. Voilà pourquoi votre fille est muette, et définitivement…
Plus près de toi, mon Dieu…
L’épigone du Malik chérifien, le qatari Hamar bin Khalifa al-Thani, respecte aussi les traditions, en s’adaptant au monde occidental diabolique. Acheter un PSG, c’est la notoriété assurée, mais il sera difficile de convertir des mécréants footeux brésiliens ou italiens, ou même français. En revanche, investir 50 millions d’euros dans un fumeux « plan pour les banlieues », c’est joindre l’utile à l’agréable, quasiment payer la « zakat », l’impôt charitable musulman. Il est évident qu’on laissera de côté les banlieues genre Neuilly ou Vincennes, qui n’ont aucune recherche d’Allah et sont déjà gavées. En revanche, Clichy-sous-Bois ou Corbeil-Essonnes, voilà des terres de mission. « Haj ou haja », dit le proverbe qu’on peut traduire par « le pèlerinage et les affaires », autrement dit l’utile et l’agréable. On injecte un peu d’argent dans des start-ups, qui vont répandre les louanges des donateurs inspirés par Dieu, et il faudrait ensuite avoir une ingratitude épaisse pour refuser des imams payés par le Qatar, le Koweït, l’Arabie saoudite et tous les amis du Golfe, sauf évidemment les infâmes chiites iraniens.
C’est aussi une habile manœuvre politique. Le droit du travail américain, pourtant abominable comparé à la France, est très social par rapport à la charia. Dura lex sed lex, et Dieu le veut ! L’UGTT tunisienne fait actuellement l’expérience du syndicalisme vu par les islamistes. Le salafisme est d’ailleurs plutôt bien vu par le libéralisme mondial. Pas de syndicats, un coût salarial à discrétion du patron, du roi ou de l’émir, pas de Sécurité Sociale ni de retraite, interdiction formelle de l’alcool, sauf pour les chefs, obligation pour les femmes d’être décemment vêtues, c’est-à-dire entièrement cachées, de préférence assignées à résidence à la cuisine et au lit, des horaires élastiques, avec cinq pauses par jour pour les prières, voilà un système social hautement compétitif. Même les Chinois n’y ont pas pensé.
C’est où, le paradis ?
Mais toute médaille a un revers piquant. Le cheikh Nicolas Sarkozy est un homme de bien, recevant somptueusement le noble Mouammar el-Gueddafi en 2007 et son pote qatari Hamad en 2008, mais ces Français stupides semblent en avoir un peu marre de ce clown si ouvert. Au point de changer peut-être de président en 2012, en élisant un gauchiste modéré pendant que l’affreux Mélenchon atteint des sondages à deux chiffres. On finit par se demander si investir dans des banlieues abandonnées depuis trente ans est vraiment une bonne idée. Alors qu’il y a tant de paradis fiscaux, au Moyen-Orient, dans les Alpes ou dans les enchanteresses Caraïbes, qui attendent de l’argent frais… Ou même au Maroc, où l’on a des amis fidèles et où l’on traite les femmes et les démocrates comme il convient : à coups de mort-aux-rats…
Gilbert Dubant