Amiante, deux pays, deux justices
C'est le moins qu'on puisse dire entre deux pays voisins, l'Italie et la France au sujet de l'amiante. Tiens, qui c'est qui parlait de solidarité ou d'Europe sociale? Pour en revenir aux procès de l'amiante, le procureur de Turin, Raffaele Guariniello, a pu ainsi dire, après la condamnation de deux dirigeants en Italie: "C'est paradoxal. Les frontières sont ouvertes pour les criminels, elles restent fermées pour les policiers et les magistrats qui les combattent". Dans sa ligne de mire, les patrons italiens criminels sur l'amiante condamnés à 16 ans de prison par le tribunal de Turin et l'éteignoir en France sur le patronat coupable pareillement.
En Italie, un maxi-procès contre Eternit et la condamnation de deux anciens dirigeants de la multinationale. Toujours en Italie, des investigations menées par les magistrats du parquet indépendants du pouvoir politique. Ainsi, en avril dernier, condamnation à 16 ans de prison du patron de Thyssen-Krupp, pour homicide volontaire après la mort de 7 ouvriers dans l'incendie d'une aciérie italienne. "Des jugements assez vertigineux pour des juristes français" résume le Syndicat de la magistrature, lui en France. Surtout que le Code pénal de notre République fait l'impasse sur ce genre de condamnations.
Justement en France, les juges d'instructions enquêtent sur ordre et sous contrôle du parquet dépendant du ministre de la Justice, lui-même nommé par le Président de la République. CQFD pour comparer avec notre voisine transalpine.
De ce fait, dans notre pays, premières plaintes déposées en 1996, mais aucune n'a donné lieu à un quelconque procès. Pire, ces affaires viennent de connaître un coup d'arrêt avec l'annulation de 6 mises en examen (ben, voyons!) et le dessaisissement (cerise sur le gâteau des patrons) de la juge d'instruction Marie-Odille Bertella-Geffroy (qui travaillait dedans depuis 7 ans). Bon, on rétorque en haut lieu que l'affaire amiante française n'est pas enterrée, puisque confiée à deux magistrats instructeurs. Sauf qu'ils sont déjà en charge du dossier Médiator, avec bien du pain sur la planche à ce sujet.
Marie-Odille Bertella-Geffroy, la juge d'instruction dessaisie, a déploré "le manque de moyens patent" pour mener des investigations très lourdes et l'absence de qualification autre que "homicides et blessures involontaires", ainsi que le manque d'indépendance de la Justice.
Bon, on croit comprendre que le locataire provisoire de l'Elysée et son Garde des sceaux (ami de François Bayrou en l'occurrence) aient des boutons avec des magistrats de cette trempe et qu'on veille supprimer ce poste pour une meilleure administration de la justice au service du patronat français et plus "au nom du peuple français".
Alors, Sarkozy toujours candidat du peuple et des salariés de l'amiante, défunts ou à venir?