Les Animaux malades de la peste revisités par le coronavirus
Du moins par Maurice Martin, professeur honoraire d'histoire à Mantes-la-Jolie
Les humains malades du virus.
Un mal qui répand la terreur,
Que Dame Nature en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
Corona (puisqu’on ne peut le taire)
Capable d’enrichir en un jour les Enfers,
Faisait à tous les Hommes la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés.
Plus aucun, dans les rues, on voyait
Interdites étaient les poignées
de mains, et nul ne s’embrassait.
Plus d’amis à l’auberge et vides étaient les tables.
Il fallait, à tout prix, en trouver le coupable.
Le lion-président tint son conseil, et dit :
« Je crois que Nature a permis
Pour nos erreurs cette infortune.
Et pour espérer la guérison commune,
Il faut que quelqu’un en expie le crime
Qui fait que ce mal nous décime.
Pour moi, j’avoue, gouverner pour les riches,
Alléger leurs impôts pour les récompenser.
Mais aussi j’ai souvent renvoyé à la niche
Des tas de miséreux qui voulaient travailler.
Ce sont pourtant les lois de notre économie
Et je pense sur le fond ne pas avoir failli.
Le coupable est ailleurs, aussi je vous enjoins,
De votre conscience, faire son examen ».
Castaner, qui se sent visé, reconnaît tout à trac
Qu’avoir trop abusé des fusils, des matraques,
Contre les Gilets Jaunes et autres trublions,
Laisserait sûrement l’infamie sur son nom.
Au contraire dirent en chœur les élus de LaREM,
Tu étais là pour ça et c’est pour ça qu’on t’aime.
Vint le tour des Lemaire, Darmanin de Bercy.
« A vouloir spéculer dans la mondialisation,
Avons-nous trop fait de délocalisations
Qui suppriment les emplois et nous privent de tout
Masques, respirateurs, médicaments surtout ? »
Pas du tout, répliquèrent banquiers et financiers,
C’était le seul moyen d’augmenter notre blé.
Quand Véran se leva, on sentit la tension.
Ministre de la Santé, voici l’accusation.
« Qu’as-tu fais, qu’as-tu dis pour pouvoir l’éviter ? »
« Pas ma faute, leur dit-il, je n’ai fait qu’hériter
De Buzyn, la lâcheuse, qui avait tout saisi,
Et qui a préféré se planter à Paris.
Sans rien prévoir dans nos réserves,
Ni masques, ni gel. Qu’à rien ils ne servent,
Puisque, de toute façon, il n’y en aurait pas.
Moi aussi, j’ai menti et les dégâts sont là ».
Journalistes et experts le disculpèrent céans
Il n’y était pour rien, c’était trop évident.
Philippe Edouard enfin, prit la parole et dit :
« Je prendrai tout sur moi, fusible du président,
Car sauver le régime est le plus important.
Le virus fait son œuvre et moins de retraités,
C’est bon pour ma réforme et les prochains budgets.
Si nécessaire, il faut que je me sacrifie,
Car il faudra bien, demain, booster l’économie ».
Tout le monde soudain fut prêt à l’applaudir,
Quel courage qu’être prêt aux gémonies, s’offrir.
Soudain, frappant la porte du premier ministère,
Arriva la cohorte de quelques infirmières,
Convoquées pour tester tout cet aréopage.
« Pas de gel, pas de masques, nous en avons la rage !
Lits fermés par milliers toutes ces dernières années,
Salaires dérisoires, urgences saturées,
Pour faire notre métier, il nous faut des moyens ».
« Quoi ? » dit le président, se réveillant soudain,
« Quel est donc ce vacarme ? Qui sont ces trouble-fêtes ?
A l’union nationale, elles osent tenir tête ?
Et c’est bien là la cause des dysfonctionnements,
Ne chercher pas plus loin, allons, serrons les rangs. »
Castaner fit appel au préfet Lallement,
Et tout le monde au trou, sans aucun jugement.
A ces contestataires, on donna tous les torts.
Le soir, on fit les comptes des malades et des morts,
Tout irait mieux demain, c’est affaire de confiance,
L’union sacrée, c’est sacré. Et puis on est en France.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Tout est joué d’avance : innocent ou coupable.
Maurice Martin.
(Merci à Jean de La Fontaine).