Mais que fait la police à Paris?
En tout cas, samedi soir, alors qu'elles défilaient contre les violences faites aux femmes, des féministes ont été chargées, frappées et gazées par les forces de l'ordre
Et en tout cas, dame Marlène Schiappa, chargée par le palais présidentielle de l'égalité entre les femmes et les hommes à la saint Glinglin, s'est contentée d'aviser Christophe Castaner, ministre de la police d'Emmanuel Macron. Celui-ci a demandé un rapport à la préfecture de police de Paris. Sans conséquence comme de bien entendu.
Samedi 7 mars 2020, Médiapart délivre une autre vision de la politique du maintien de l'ordre dit républicain menée par la préfecture de police de Paris. Extraits, d'après le contenu de notes émises par des hauts responsables de la gendarmerie et des CRS, évoquant des ordres irréguliers et douteux de la part du préfet.
Exemple, un message de la gendarmerie de septembre 2019 fait état de pratiques «légalement douteuses et aux conséquences politiques potentiellement néfastes» qui sont «contraires à la législation ainsi qu’à la réglementation en vigueur». Il s’agit d’un commentaire sur l’ordre donné par Didier Lallement, préfet de police de Paris, d’«impacter» les manifestants, à savoir d’aller au contact.
Les hauts responsables rappellent que de telles directives vont à l’encontre d’un principe du code de sécurité intérieure: l’usage de la force ne doit être déployée qu’en absolue nécessité et proportionnellement au trouble à faire cesser. Le préfet de Paris encourage ainsi les forces de l’ordre à charger dans les foules, et ce même si aucun signe de violence n’est démontré.
Un usage disproportionné de l’«encagement»
La gendarmerie parle également de «manœuvres d’encagement», appelées nasses, ordonnées par la préfecture de police. Le dispositif vise à encadrer un groupe de personnes, servant historiquement à le protéger et à le conduire d’un endroit à un autre. L’opération doit d’ailleurs, comme le prévoit la législation, laisser une échappatoire.
Sous M.Lallement, le système consiste à parquer des manifestants, qui se retrouvent encerclés sans issue possible, et souvent d’y lâcher des grenades de gaz lacrymogène, précise Mediapart. Technique «de nature à exaspérer la population et à nourrir un sentiment de défiance vis-à-vis du pouvoir et des forces de l’ordre», tout en générant «des mouvements de foule potentiellement dangereux», avait conclu un avis de la gendarmerie.
Il désobéit aux ordres du préfet pour «éviter un accident»
Le 15 octobre 2019, dans la capitale, un chef de la gendarmerie a délibérément désobéi aux ordres du préfet, jugeant la procédure d’encagement «contraire au règlement mais surtout au droit de manifester». Les faits se sont déroulés sur le pont de la Concorde où des manifestants ont demandé à un escadron de la gendarmerie mobile de «calmement pouvoir quitter les lieux». Ils sont pourtant bloqués d’un côté par les gendarmes et de l’autre par la police qui a commencé à faire usage de gaz lacrymogènes.
La situation a rapidement dégénéré: la tension est montée, et «certains individus ont commencé à enjamber la rambarde du pont pour contourner le barrage se mettant ainsi en danger au-dessus de la Seine». Le chef d’escadron a finalement décidé d’aller à l’encontre des ordres du préfet. Il a escorté les manifestants jusqu’au métro, d’autant qu’«un dialogue avait été établi» avec eux.
Les interventions controversées des BRAV-M
Une des mesures phares du préfet de police est l’usage des brigades de répression de l’action violente motorisées. Un écrit interne d’une unité de CRS critique les méthodes d’intervention de cette brigade, prenant pour exemple le rassemblement du 18 janvier 2020. «Les black blocs ne bronchaient pas. Ça a commencé à dégénérer quand les Brav ont commencé à intervenir […] ils ont chargé gratos», a noté un CRS.
«Les Brav sont souvent des jeunes sortis d’école et ils manquent d’expérience. C’est facile de leur demander d’appliquer des ordres qui sont d’interpeller à tout va sans discernement. Du coup, ils chargent et matraquent souvent sans raison», a expliqué un autre CRS contacté par Médiapart.
En novembre, Didier Lallement a fait l’objet d’une plainte pour «atteinte à la liberté individuelle» et «complicité de violences volontaires aggravées». Elle a été déposée par un Gilet jaune lillois éborgné lors de l’acte 53 à Paris. Il s’était retrouvé pris au piège, place d’Italie, dans une nasse ordonnée par le préfet. Une grenade lacrymogène avait touché son œil gauche. Il a refusé que l’affaire soit gérée par l’IGPN, mais demandé la désignation immédiate d’un juge d’instruction.