La journée ordinaire d'un dernier de cordée confiné à Mantes-la-Jolie
Voilà, le confinement général a été décrété par qui vous savez. Désormais, pour sortir de mon trou, je devrais montrer patte blanche aux agents de la force publique. Il faut ce qu'il faut, m'ont rabâché le chœur des vierges à la télé. Et pour cette fois, j'en conviens: à la casse de la santé publique décidée par les gouvernements Sarkozy-Hollande-Macron, s'ajoute la crise sanitaire, sociale et économique.
Mais les accablantes confessions hier dans le journal Le Monde d'Agnès Buzyn, ministre de la Santé à l'époque, révèlent crument que les premier de cordée autour du palais présidentiel étaient parfaitement informés de la virulence du coronavirus dès son émergence en Chine.
Mais foin de polémique disent en concert les politiciens. Seule la réussite du confinement doit être la priorité du moment contre le covid-19.
Alors, voilà, à peine neuf heures du matin, je suis sorti de mon trou de retraité pour l'épicerie, la boucherie et la pharmacie à quelque deux cent mètres de mon domicile. L'épicier et le boucher ont tiré leur rideau de fer sur leurs devantures. Ils ne l'ouvriront pas aujourd'hui.
Pour la pharmacie, mon épouse et moi avons une ordonnance à renouveler 6 mois. Notre toubib traitant vient de partir à la retraite. En pleine crise sanitaire. Nous sommes âgés et atteints de pathologies chroniques qui nous classifient dans les personnes à risques et sans moyen de locomotion pour faire un "drive" ou dévaliser en deux coups les gros en pâtes et en papier-cul tout un rayon de supermarché.
Un passant s'écarte carrément du trottoir à mon passage. Il est jeune et porte un masque. Me prend-t-il pour un pestiféré qui part errer au hasard dans Mantes-la-Jolie pour la contaminer?
Il est vrai, mon médecin traitant absent définitivement, qui fera le tri des contaminés dans le quartier avant d'appeler le 15 ou surgir aux urgencces de l'hôpital public déjà en grande souffrance?
Presque une heure d'attente à la pharmacie. Oui pour les médocs mais pas de gel ni de masque. Le passant croisé et masqué faisait-il parti lui de la classe moyenne supérieure ? En tout cas, pas non plus d'alcool pour la pharmacie afin de fabriquer du gel. Lorsque je sors de l'officine, la queue s'allonge jusqu'au carrefour, comme sous l'occupation nazie. Pourtant, nous sommes la 5e puissance économique au monde et en paix en cet an de grâce à l'UE du capital 2020.
Pas d'épicerie ni de boucherie dans mon quartier, mais la boulangerie ouverte. Bon, je ferai, comme l'avait dit en son temps l'épouse de Louis XVI, je mangerai de la brioche.
Chez moi, un message de la radiologie privée. Rendez-vous annulé pour l'échographie de ma prostate prévue pour le lendemain. J'ai une augmentation de mon psa.
J'ai cliqué sur Intermarché pour une livraison à domicile. Pas prévu, me dit gentiment le site.
Bien, je mangerai donc de la brioche et me torcherai avec du journal. Cela me remémorera mes jeunes années. J'habitais à Narbonne, au début des années 1950, dans un ancien hôtel particulier à quatre étages que le propriétaires avait découpé en plusieurs appartements pour les prolétaires. Pas d'eau chaude, ni de chauffage central et encore moins de salle de bains. Tout en bas, au rez-de-chaussée, un wc à la turque pour tout l'immeuble et il ne fallait pas oublier son papier journal. Lorsqu'on tirait la chasse, l'eau nous aspergeait les godasses. Mais comme disent les vieux cons, c'était beaucoup mieux avant.
Ben non, aujourd'hui, c'est mieux. J'ai quand même de la brioche pour me caler l'estomac et la téloche pour m'aérer l'esprit.