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Publié par Le Mantois et Partout ailleurs

Pour ne rien oublier: Bernard Grinbaum, jeune juif communiste, fusillé par les nazis le 30 avril 1942, désigné comme otage par la France de Pétain

Au moment où le poison de l'antisémitisme ressort du ventre fécond de la bête humaine avec encore plus de vigueur, la courte histoire de Bernard Grinbaum, jeune parisien né le 15 décembre 1921 dans le 20e arrondissement de la capitale. Depuis juillet 1940, la droite extrême et l'extrême droite dirigent la France sous l'égide de Philippe Pétain. Celui-ci a renversé la République, assume tous les pouvoirs et se nomme Chef de l'Etat français. Il va collaborer avec l'Allemagne hitlérienne, précédant même la barbarie antisémite promulguée par le régime nazi.

Bernard Grinbaum travaille depuis l'âge de 15 ans. Il est membre de la Jeunesse communiste. Dès l'Occupation, il réorganise le club sportif, auquel il appartient avant la guerre dans le 12e arrondissement, pour en faire un foyer de résistance. Avant-guerre, ce club était affilié à la Fédération gymnique et sportive du travail proche de la CGT.

Dès l'été 1940, Bernard Grinbault dirige un groupe clandestin de la résistance communiste, le PCF étant interdit par le gouvernement de la IIIe République. Il est arrêté le 1er décembre 1940 par la police française lors d'une distribution de tracts communistes pour "propagandiste d'une organisation communiste interdite". Jugé par la Justice française, il est condamné à 3 mois de prison à Fresnes. A l'expiration de sa peine, le préfet de police de Paris prononce son internement administratif au camp d'Aincourt en Seine-et-Oise.

Le préfet de ce département a réquisitionné ce sanatorium pour y emprisonner les militants communistes de la région parisienne et les dirigeants de la CGT membres du PCF avant-guerre, dès le 5 octobre 1940. La France de Vichy précède les ordres de l'Allemagne nazie dans ce domaine. Bernard Grinbaum est donc interné à Aincourt le 1er février 1941, il n'a pas encore 19 ans.

Pour ne rien oublier: Bernard Grinbaum, jeune juif communiste, fusillé par les nazis le 30 avril 1942, désigné comme otage par la France de Pétain

Précédant l'Allemagne hitlérienne, la France pétainiste promulgue le premier Statut des Juifs, dès le 3 octobre 1940. Un second Statut des Juifs, plus restrictif encore, est promulgué le 2 juin 1941. Ces deux Statuts servent de base juridique à la collaboration de la police française et de la gendarmerie nationale pour la déportation des Juifs.

Dans Aincourt surveillé par des gardes mobiles français, l'administration française fiche Bernard Grinbault comme "communiste dangereux". Dès la promulgation du second Statut des Juifs, le commissaire de police Andrey, directeur du camp, fait recenser les communistes internés qui sont d'origine juive. La liste est adressée au préfet de Seine-et-Oise. Celui-ci en informe les autorités allemandes et pétainistes.

Comme le camp d'Aincourt devient un foyer interne de résistance communiste, les internés dits "communistes dangereux" sont transférés dans d'autres camps dont Châteaubriant où nombre d'entre eux seront fusillés comme otages, désignés par les autorités françaises.

Bernard Grinbaum est transféré lui le 1er février 1942 vers le "camp de séjour surveillé de Rouillé" en Haute-Vienne. Le 30 avril 1942, désigné comme otage par l'administration française de ce camp, il est fusillé avec 5 autres camarades. Tous les 6 furent arrêtes et condamnés pour distribution de tracts communistes.

La dernière lettre de Bernard Grinbaum, jeune juif communiste, fusillé comme otage par les nazis:

Camp de Rouillé (Vienne)
 
Poitiers, le 30 avril 1942
Mes chers Maman, Papa, Gaston, Denise
Nous le savons depuis ce matin, mais c’est confirmé, nous seront fusillés dans deux heures, par représailles contre deux attentats.
Je suis à côté de mon cher vieux Maurice, ainsi que quatre autres copains, calmes, sereins. Oui, nous sommes tranquilles, et notre plus grand vœu, que nous nous sommes bien souvent répété, Maurice et moi, c’est que notre mort ne vous cause pas trop de chagrin, surtout à toi, ma chère Maman.
Nous ne serons plus sur terre. Bah ! peu importe, nous ne sommes même pas angoissés, mais vous, vivez, vivez pour l’avenir merveilleux.
Je veux vous remercier en particulier, mes chers Maman et Papa, pour tous les soins, la sollicitude dont vous m’avez entouré depuis ma naissance, et qui n’auront pas été inutiles, puisque j’ai vécu vingt heureuses années, exemptes de tout souci matériel. Merci aussi pour tout ce que vous avez fait pour moi depuis mon emprisonnement, des témoignages incessants de votre affection.
Le long de notre voyage en camion, j’ai pu voir la route, la belle route de France si ensoleillée, fraîche, que nous avons parcourue joyeusement dans nos équipées de camping auxquelles je suis tellement heureux d’avoir participé.
Oui, mes courtes années de jeunesse ont été heureuses, et je les quitte avec la pensée que Gaston et Denise profiteront pleinement des joies que la vie offre. Que Gaston et Denise qui sont jeunes, regardent vers l’avenir, que bientôt ils ne pensent plus à leur frère disparu, mais n’aient qu’une seule pensée, vivre.
À mes chers frère et sœur, aussi je vous demande d’être courageux et d’entourer notre maman, qui a été frappée si terriblement, de votre sollicitude constante, afin d’alléger le poids de son chagrin. Papa sera fort, et il supportera sans défaillance sa douleur.
Je regarde l’avenir, si plein de promesses pour la jeunesse car je pense [passage censuré]. .
Enfin, pour terminer, je suis fort, courageux devant cette. dernière épreuve. Et je vous demande de l’être aussi, mes chers parents, c’est une blessure qui se guérira, pour vous.
Soyez courageux.
J’ai devant moi toutes vos photos et c’est avec plaisir que je contemple vos visages chéris que je ne reverrai plus jamais.
Ma vie a été droite, honnête, et je suis fier de mourir ainsi.
Ma chère maman chérie, mon cher papa chéri, mon cher vieux frangin, ma chère petite sœur, de tout mon cœur.
ADIEU, SOYEZ COURAGEUX.
Bernard.
Pour ne rien oublier: Bernard Grinbaum, jeune juif communiste, fusillé par les nazis le 30 avril 1942, désigné comme otage par la France de Pétain

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