5 octobre 1940, le camp d'Aincourt, en Seine-et-Oise occupée par l'Allemagne hitlérienne.
Marc Chevalier, préfet pétainiste de Seine-et-Oise, a réquisitionné le sanatorium d'Aincourt pour y interner des militants communistes et des dirigeants nationaux de l'ex-CGTU de la région parisienne, le 5 octobre 1940. Les Allemands n'en ont pas fait la demande. Mais ils s'empressent de cautionner ce centre de détention entrant dans la politique répressive du régime de Vichy à l'égard du Pcf interdit.
Si l'ouverture du camp devance les souhaits de l'Allemagne nazie, il s'avère être aussi le prélude à la collaboration sans équivoque dans laquelle Pétain et les siens s'engagent aux côtés d'Hitler.
Des internés seront fusillés directement au Mont-Valérien. Et pour briser la résistance communiste qui s'installe dans le camp, d'autres sont dispersés dans d'autres camps. Beaucoup, désignés comme otages par la collaboration pétainiste, seront fusillés, notamment à Châteaubriant, ou périront dans les camps d'exterminations nazies.
Ouvert pour les femmes en 1942, nombre d'entre elles subiront aussi la déportation et la mort. Toutes les Juives seront exterminées à Auschwitz.
Le camp d'Aincourt était administré par le préfet de Seine-et-Oise et dirigé par le commissaire des RG Andrew. Les gendarmes français le gardiennaient. Vichy dénommait cette antichambre de la mort "centre de séjour surveillé".
Chaque premier samedi d'octobre, une cérémonie patriotique se déroule devant la stèle commémorative.
Mais qu'est devenu Marc Chevalier, préfet de Pétain, à la Libération?
Il est né le 27 septembre 1896 d’un père médecin et de sa mère sans profession, à la Clayette, chef-lieu de canton de Saône-et-Loire. Il est déclaré se prénommer Prosper Eugène, alias Marc-Eugène, ou Marc en tant que préfet de Seine-et-Oise sous l’Occupation.
Il débute sa carrière de haut-fonctionnaire en 1921, en étant le directeur du secrétariat de Laurent Bonnemay, ministre de la Justice, l’un des 80 parlementaires qui ne vota pas les pleins pouvoirs en 1940 au maréchal Pétain. Lorsque Laurent Bonnemay quitte le gouvernement en 1922, Marc Chevalier est nommé sous-préfet de Château-Chinon dans la Nièvre. Il poursuit sa carrière comme sous-préfet d’Avalon, en 1926, dans l’Yonne, puis secrétaire général de la préfecture de Meurthe-et-Moselle en 1930. Mais il avait avant cela abandonné les idées républicaines chères à Laurent Bonnemay.
Marc Chevalier devient chef de cabinet du ministre Pierre-Étienne Flandin en 1931, puis au même titre, lorsque celui-ci est nommé président du Conseil de novembre 1934 à mai 1935. Durant le Front Populaire, Pierre-Étienne Flandin est le chef de l’opposition parlementaire de droite. Partisan des accords de Munich entre la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne nazie et l’Italie de Mussolini, il adresse ses félicitations personnelles au chancelier Hitler. Pierre-Etienne Flandin vote les pleins pouvoirs à Pétain et sous l’État Français, il en devient l’un de ses chefs de gouvernement.
Marc Chevalier a poursuivit sa carrière de grands serviteurs de l’état. Nommé préfet du Bas-Rhin en 1935, il préfère rester aux côtés de Pierre-Étienne Flandin. En 1938, il est nommé préfet de la Moselle et devient chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur.
En mars 1939, il est préfet d’Alger et administre les camps où sont internés les réfugiés républicains espagnols : 3 160 au 31 mars 1939 dont 139 femmes et 155 enfants, gardés par des gendarmes et des tirailleurs sénégalais. Marc Chevalier applique à la lettre les directives du dernier gouvernement français qui les utilise comme main-d’œuvre à bon marché dans les travaux ferroviaires et routier ou dans l’agriculture. Le ministre de l’Intérieur fixe ainsi leur rémunération le 31 mars 1939 : « Mon sentiment est que la nourriture étant assurée aux travailleurs espagnols, ceux-ci étant constitués en unités de travail, sous surveillance rigoureuse, ne devraient recevoir, en plus, qu’une prime de rendement à déterminer selon les circonstances et la nature de leur tâche. »
Après avoir obtenu les pleins pouvoirs, Pétain renverse la République et fonde l’État français. Marc Chevalier devient préfet des Alpes-Maritimes dans la zone française sous autorité de Vichy, puis préfet de Seine-et-Oise le 25 septembre 1940, dans la zone sous occupation nazie.
Dès le 5 octobre, il réquisitionne le sanatorium d’Aincourt et ouvre ainsi le premier camp d’internement en zone occupé.
Pour réduire l’entassement des internés, Marc Chevalier songe à faire évacuer les plus dangereux vers le département d’Alger qu’il connait bien. Sans en aviser Vichy, il fait procéder à une visite médicale. Finalement, cette tentative n’aboutit pas.
Marc Chevalier reste préfet de Seine-et-Oise jusqu’au 11 janvier 1943. A la fermeture du camp d’Aincourt, en mai 1942, il y installe une école de formation des GMR, Groupe mobile de réserve, groupement militaire chargé de la répression des juifs et des résistants.
Après le 11 janvier 1943, Marc Chevalier est nommé par Pétain au Conseil d’État, organisme qui remplace le Parlement dissout. Pétain avait assisté à sa première réunion du 19 août 1941. Et les déclarations de son président étaient sans ambages : « Le Conseil d’Etat entend non se borner à un geste, mais accomplir un acte. Vous êtes ici devant votre Conseil. Vous restituez une tradition morte depuis le grand empereur dont le nom est inséparable de notre institution ; à un tel témoignage de confiance, comment ne répondrions-nous pas, non du bout des lèvres, mais du fond du cœur, par une promesse de fidélité ? » Et tous les conseillers de prêter serment à la personne du Chef de l'Etat français
Le 25 mai 1944, l’officier SS Helmut Knochen, commandant de la police allemande en France, écrit au général Von Stupnagel, commandant militaire de la France, pour faire du Conseiller d’état Marc Chevalier le « secrétaire général au ministère de l’intérieur. »
René Bargeton, dans son Dictionnaire biographique des préfets 1870-1982, révèle que Marc Chevalier est suspendu du Conseil d’État le 8 septembre 1944 et mis à la retraite d’office en tant que préfet le 31 octobre 1944. C'est à dire qu'il conserve sa retraite de haut-fonctionnaire.
On le retrouve plus tard chef d'entreprise dans le Sud de la France et il décèdera comme le plus paisible des hommes en 1976.