Le 5 mai 1947, les ministres communistes sont chassés du gouvernement
Ils sont cinq à être évincés par le président du Conseil Paul Ramadier : François Billoux à la Défense nationale, Ambroise Croizat au Travail et à la Sécurité sociale, Georges Marrane à la Santé publique, Maurice Thorez, ministre d’État et Charles Tillon à la Reconstruction et à l’Urbanisme.
En mai 1947, le PCF est le premier parti de France, il a remporté les élections législatives du 10 novembre 1946 avec 5,5 millions de suffrages et 28,8%. Fort de cela, Maurice Thorez, dirigeant national du Pcf et vice-président du Conseil depuis 1946, revendique le poste de président du Conseil, le premier ministre actuel, sauf qu'à cette époque il dirige seul les affaires du pays. Les députés socialistes ont décidé de voter pour lui, mais 29 s'abstiennent. De ce fait, Maurice Thorez n'est pas investi par le Parlement.
Le socialiste Léon Blum forme un gouvernement homogène de décembre 1946 à janvier 1947. Il est remplacé par Paul Ramadier (démocrate chrétien) et 5 communistes entrent au gouvernement.Mais les relations sont tendues entre communistes et socialistes depuis l'échec de Maurice Thorez. Surtout, socialistes et démocrates chrétiens lorgnent du côté de la libre Amérique qui demande que les ministres communistes soient chassés de tous les gouvernements européens auxquels ils participent depuis la fin de la guerre. Ensuite, il y a la guerre coloniale en Indochine et à Madagascar, pays luttant pour leur indépendance, que le Pcf soutient. Enfin, les mouvements sociaux se développent en France à l'initiative de la CGT.
Le 18 mars, les députés communistes se sont abstenus dans le vote de confiance au gouvernement. Le 30 avril, les ministres communistes apportent leur soutien aux grévistes de Renault nationalisé à la Libération, partis en grève illimitée.
Le dimanche 4 mai 1947, à 21h, Paul Ramadier réunit son gouvernement. Il lui expose son programme: poursuite de la guerre en Indochine et à Madagascar et aucune prise en compte des revendications salariales. Les ministres socialistes et démocrates-chrétiens lui apportent leur soutien.
«J’aimerais savoir ce que pensent nos collègues communistes du programme que je viens d’esquisser », demande Paul Ramadier. Et Maurice Thorez a répondu : « Nous soutiendrons les revendications de la classe ouvrière ». (...) Maurice Thorez rejette la théorie du « cycle infernal » entre les salaires et les prix invoquée par Ramadier. Sur quoi Ramadier a dit : « Je constate que nos collègues communistes ne sont pas d’accord avec le président du gouvernement ni avec la majorité du Conseil, et je demande quelles conséquences ils pensent en tirer ». Maurice Thorez a déclaré : « Je n’ai jamais démissionné de ma vie ». Là-dessus, Ramadier a sorti de son tiroir une petite brochure -c’était la Constitution- a invoqué je ne sais plus trop quel article de cette Constitution qui lui donnait le droit de retirer aux ministres communistes les délégations qu’il leur avait données, car quand on est ministre on ne l’est que par délégation, les ministres communistes se sont levés, sont sortis ; il n’y avait plus de ministres communistes. Voilà ! Ça a été extrêmement rapide et absolument simple1. »
Un gouvernement dit de Troisième force est alors constitué en s'ouvrant plus sur la droite. De recomposition en décomposition, le général de Gaulle prend le pouvoir en 1958 avec l'aval de Guy Mollet, dirigeant national du Ps de l'époque.
La 5e République démarre sous la Constitution monarchique voulue par de Gaulle: articles 49-3 et passage par ordonnances compris. Guy Mollet devient ministre du premier gouvernement de droite de la 5e République.
1 Marcel-Edmond Naegelen, ministre socialiste de l’Education nationale, Mémoires de notre temps
Assemblée générale des grévistes de Renault Place Nationale 28 avril 1947