Pour la CGT par Yvon Quiniou
Pour la CGT
On a déjà indiqué, spécialement à travers une pétition parue récemment dans L’Humanité, qu’il fallait s’opposer à la campagne actuelle de dénigrement de la CGT. Je voudrais préciser pourquoi, à ma manière. Ce qui est en jeu, c’est la façon dont les raisons du comportement de ce syndicat sont, non pas analysées objectivement, mais dénoncées avec une partialité idéologique rare. C’est ainsi qu’on lui impute la défense d’intérêts « corporatistes », comme si le propre d’un syndicat n’était pas de défendre les intérêts d’un corps de métiers (au pluriel) contre les appétits égoïstes d’un « corps » (au singulier) de possédants qui ne songent qu’à leurs profits et dont on ne parle jamais ! A quoi j’ajouterai, que la défense du Code du travail à une portée tellement large que l’idée que sa défense serait strictement corporatiste, visant seulement les intérêts de quelques uns, n’a guère de sens.
Autre argument, fallacieux : la CGT se politiserait. Songe-t-on un seul instant que la lutte syndicale est aussi une lutte politiquecomme elle l’a toujours été, puisqu’elle s’inscrit dans le cadre de rapports de classes où les intérêts économiques des dominants – les capitalistes – s’opposent à ceux, humains d’abord, du monde du travail sans lequel les capitalistes n’existeraient pas ?Et le patronat, lui, ne mènerait pas une lutte politique contre les salariés, non seulement à travers le MEDEF mais en intervenant constamment auprès du gouvernement en place ? Enfin, la CFDT, associée ouvertement au pouvoir actuel (Hollande en fut d’ailleurs un adhérent), n’adopterait pas une ligne de conduite qui, au-delà de ses convictions réformistes, a pour but politique de soutenir ce même gouvernement en faillite ? Quel étrange ballet des mots et des accusations : la politique d’un côté et pas de l’autre !
Il y a aussi cette idée totalement malhonnête que je viens d’entendre sur une chaîne de radio : l’action contre la loi-travail desservirait au final la CGT, incapable qu’elle serait de tenir compte de ce que les médias osent appeler l’intérêt général, celui des usagers des transports, par exemple, surtout en pleine période de Coupe d’Europe en France. Mais hors de cette situation (la coupe d’Europe), le même argument serait de toute façon avancé. La CGT n’aurait donc d’autre but que servir son intérêt particulier d’appareil syndical, dans le cadre d’une concurrence avec d’autres syndicats, et, finalement, elle y échouerait. Quel souci curieux, en l’occurrence hypocrite, pour l’intérêt de ce syndicat que l’on combat par ailleurs. Or ce propos est faux et l’un des journalistes que j’ai entendus – en l’occurrence J. Macé-Scaron, de Marianne – l’a rappelé : l’opinion, en ce moment, est à 60 pour 100 (au minimum) favorable au mouvement actuel de protestation contre la loi-travail et l’idée de son impopularité est absolument mensongère. C’est un argument performatif, destiné à produire ce qu’il énonce : l’hostilité à ceux qui critiquent cette loi. Que des journalistes la soutiennent est indigne de leur fonction parce qu’ils mentent sciemment, dans ce cas, connaissant les sondages et trahissant ainsi l’éthique du métier qu’ils exercent.Il n’est question, dans ce cas, que de discréditer un syndicat qui ose s’opposer au patronat, à une loi faite dans son intérêt et qui a une signification clairement politique. Il y aurait donc deux manières de faire de la politique : l’une bonne, quand elle est de droite, l’autre mauvaise quand elle est à gauche ?
Enfin, l’on apprend que la CGT aurait oublié, sinon trahi, le mot d’ordre de Maurice Thorez déclarant qu’« il faut savoir arrêter une grève », ce qui permet de l’accuser de céder à un gauchisme irréaliste, sinon imbécile. Là aussi, c’est une curieuse façon de s’appuyer sur une tradition syndicale que l’on ne cesse de vilipender, en l’instrumentalisant. Car cette manipulation langagière oublie la suite du propos de Thorez : « quand on a obtenu satisfaction » ! Or ce n’est pas clairement le cas. Mais ce faisant, on aura tenté un peu plus, sinon réussi, de dévaloriser la lutte impeccable d’un syndicat défendant les intérêts populaires les plus larges. Décidément, la lutte des classes, y compris médiatique aujourd’hui, n’a pas disparu !
Note de ma pomme: Lire aussi la citation ci-dessous. Et si nous le faisions mentir?