Debout les forçats de la route
Pas d'ironie dans mon titre. C'est des chauffeurs-routiers dont je veux parler. Pour avoir tenu des permanences juridiques CGT et ayant été président de la section commerce au Conseil de prud'hommes, je peux témoigner de leurs conditions de travail terribles et du patronat des transports qui, après les avoir exploités jusqu'à la couture des pneus, les licencie. Sans honte et en les accablant toujours. Comme s'ils étaient maîtres de leur destin.
En fait, une directive européenne, celle de la concurrence libre et non faussée, fixe temps de conduite et de repos à bord d'un véhicule de plus de 3,5 tonnes et de plus de 9 passagers. Mais la convention collective nationale des transports ne fait pas mieux.
Thèmes | Dispositions | Articles |
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Conduite continue | 4h30 | 7 |
Interruptions | 45 minutes ou une interruption de 15 minutes suivie d’une interruption de 30 minutes | 7 |
Conduite journalière | 9 heures portées à 10 heures deux fois par semaine | 6 |
Conduite hebdomadaire | 56 heures | 6 |
Conduite hebdomadaire moyenne sur 2 semaines | 90 heures | 6 |
Repos journalier | 11 heures consécutives sur 24 heures ou 03 heures puis 09 heures- Peut être réduit à 9 heures 3 fois par semaine | 8 |
Repos journalier (double équipage) | 09 heures consécutives sur 30 heures | 8 |
Repos hebdomadaire | 45 heures consécutives, après au plus six périodes de 24 heures - Peut être réduit à 24 heures (en alternance avec un repos normal et compensation avant la fin de la 3ème semaine suivante) | 8 |
Le docteur Maria-antonia Quera-Salva,
Le Parisien la révèle ce samedi. Extraits:
"Au volant de leur 40 t, ils admettent continuer à rouler, les paupières lourdes et la trajectoire trouble. Près d'un conducteur de poids lourd sur trois s'estime susceptible d'avoir un accident dû à la somnolence. Et pour cause : ils sont 28 % à prendre la route après une nuit de moins de six heures ! « Ce qui est surprenant, c'est de voir que, parmi ceux qui s'estiment susceptibles d'avoir un accident, 59 % en ont frôlé un de près », dixit le docteur Quera-Salva.
Trois conducteurs sur quatre admettent ainsi avoir récemment roulé sur les lignes blanches sonores le long de la bande d'arrêt d'urgence à cause du manque de sommeil.
On estime que, lorsque le conducteur d'un poids lourd meurt, il provoque le décès de huit autres usagers.
Avec neuf heures en moyenne par jour à aligner les bornes kilométriques, les chauffeurs mettent bien en place des stratégies pour vaincre la fatigue. Mais pas forcément les bonnes ! Cinq pour cent d'entre eux dévient ainsi volontairement sur la bande rugueuse pour rectifier leur conduite somnolente. Douze pour cent se servent de leur téléphone pour rester alertés. « On voit aussi que 18 % des chauffeurs somnolents boivent plus de 10 tasses de café par jour, mais c'est contreproductif parce que ça crée de l'anxiété et des troubles de l'attention », renchérit la docteur Quera-Salva.
Somnolents, les chauffeurs mesurent aussi leurs difficultés : ils sont 75 % à s'arrêter davantage pour faire une sieste. Paupières lourdes, bâillements... le réflexe reste de détecter immédiatement les signes de lassitude et de s'arrêter au plus vite. « Il suffit d'une sieste de dix à vingt minutes ou d'un peu d'exercice pour récupérer »", souligne la docteur Quera-Salva qui n'a sans doute jamais affronté le quotidien d'un chauffeur-routier.
A moins qu'elle soit faite pour démontrer que Vinci-autoroutes se préoccupe du sort des forçats de la route. Alors là...