Lettres du front (1917-1918)
En 1917, la guerre dure et fauche toujours autant de soldats. Ceux-ci piétinent toujours sur le sol français et ce conflit s'éternise entre deux offensives, au prix d'incommensurables sacrifices, pour glaner un peu de terrain reperdu le lendemain. La foi patriotique des premiers instants est bien éteinte. Et la censure du courrier ne parvient plus à enrayer cette réalité.
"Quel changement dans les idées, qu'il est loin le patriotisme ardent dont tant de combats du début furent les témoins", écrit un insituteur soldat au 17e régiment de chasseurs à pied.
Surviennent les mutineries, non pour ne plus combattre mais pour ne plus être décimés inutilement. Tel ce courrier saisi d'un soldat de la 120e Division d'infanterie: "Vivre dans la boue et dans l'eau, couché tout habillé, parfois rongé de vermine sans nom (...). Faire des corvées, poser du fil de fer en silence et en hâte la nuit et se faire tuer, empoisonner, mourir l'intérieur brûlé. Ah! maudit métier".
Les poilus se font plus accusateurs contre cet "égorgement cruel et stupide". Alors sont écrites des lignes plus politiques qui n'arriveront jamais à leurs destinataires à cause de la censure militaire: "Avec leur union sacrée, on se fait casser la gueule pendant que de gros financiers et capitalistes emplissent leurs poches. (...) Quand nous aurons fini la guerre avec les boches, nous pourrions bien la faire aux capialistes et il faudra bien qu'ils amènent les gros sous que nous leur faisons gagner". (soldat du 350e RI, courrier interdit).
"J'en ai soupé de cette guerre, qu'ils nous foutent la paix, car je crois qu'ils font continuer la guerre pour détruire la classe ouvrière" (soldat du 23e RI).
Au printemps 1918, un soldat du 317e Régiment d'infanterie parvient à écrire à son épouse: "J'en ai marre. Parfois même, un cri de révolte jaillit contre la guerre, contre les classes gouvernantes, contre les riches, un autre cri affreux court les tranchées devant les boches, cri homicide ou fratricide car il tend infailliblement à la lutte de classes. Il n'y a que le petit en première ligne."
Certes, ces courriers sont minoritaires et peu ont franchi le contrôle postal militaire. Pour autant, après la guerre, malgré la Chambre des députés couleur "bleu horizon", rien ne sera plus comme avant au sein de la CGT et de la SFIO. Dans ce parti, la majorité va fonder le parti communiste et de la CGT sortira son courant révolutionnaire pour créer la CGTU.
La Première Guerre mondiale provoqua la mort de 40 millions d'être humains dont 1 397 800 soldats (27% des 18-27 ans) et 300 000 civils pour la France. 4 866 000 militaires furent blessés.
cimetière militaire de Douaumont
Source des lettres: