Fusillés pour l'exemple, le cas du corse Virgo Luigi
Des membres de sa famille et des villageois se sont mobilisés pour que son nom soit enfin gravé sur le monument aux morts de Casabianca, en Corse. Une cérémonie a eu lieu le vendredi 9 août 2013.
"Que faisait Virgo Luigi, le 27 juin 1916, en deuxième ligne, à Verdun ? Reprenait-il son souffle après un nouvel assaut meurtrier ? Retrouvait-il là ces Corses si nombreux à être tombés sous la mitraille allemande ? Tentait-il de fuir cette bataille sanglante ? Nul ne le sait.
À 31 ans, Virgo Luigi, né en Castagniccia, à Casabianca, s'exprime essentiellement en corse. Alors, quand la police militaire l'embarque et l'accuse d'abandon de poste en présence de l'ennemi et de désertion, il se défendra avec ses mots… perdus à jamais. Le 3 septembre de cette année-là, il est fusillé à 6 heures du matin à Jubécourt.
Fusillé mais enterré avec ses camarades
Presque cent ans après, une partie de sa famille, dont deux arrières petites-nièces, Virginia et Géraldine Baccarelli, réunie dans l'association Per Virgo Luigi vont faire inscrire son nom sur le monument aux morts du village.
Lors d'une cérémonie, forcément pétrie d'émotion, qui aura lieu ce vendredi 9 août à Casabianca. « Notre famille a découvert l'histoire de Virgo Luigi par des parents qui assuraient qu'il avait été fusillé à Corte !, raconte Virginia.On racontait même que notre arrière-arrière grand-mère était allée à pied à Corte pour le défendre. In fine, il se disait que c'était les gendarmes qui étaient venus le chercher à Casabianca ».
L'association se crée en novembre 2011 avec le seul but de réhabiliter la mémoire du défunt. L'oncle, José Zuccarelli, se lance alors dans de vastes recherches historiques, sur les circonstances de sa mort, les conditions de son procès et, finalement, sur l'inhumation du lointain parent.
Télescopage inédit, Jacky Poggioli, au même moment, réalise, elle, un documentaire sur ViaStella sur ces fusillés corses. Car d'autres insulaires ont subi les foudres de cette justice française militaire et Stanley Kubrick, dans Les sentiers de la gloire, en a d'ailleurs tiré un film fantastique.
Bref, petit à petit, les informations s'accumulent, se croisent.
Géraldine Baccarelli souligne que « Virgo Luigi a été incorporé alors qu'il était veuf, avec deux enfants à charge ! Il a regagné les rangs du 173e régiment d'infanterie et s'est battu sur le front… Son courage, sa bravoure n'ont visiblement pas été pris en compte et il fait partie de ces nombreux fusillés pour l'exemple durant cette guerre. Mais ce qui est paradoxal c'est que sa tombe figure aujourd'hui dans un cimetière de Lorraine, à Ville-sur-Cousances, près de Verdun ! Avec écrit "mort pour la France"... » Comme si dans cette tragédie, une bonne âme avait voulu que les générations futures connaissent les actes valeureux de Virgo Luigi.
Rapatrier ou pas le corps ?
Pour l'association, un moment, la question s'est posée de savoir s'il fallait faire rapatrier les restes du soldat dans son village. En Lorraine, finalement, il était auprès de ses frères d'armes dans un lieu qui inspire le respect, le recueillement et le souvenir de ce conflit destructeur.
Officiellement, la famille de Virgo Luigi n'a pas tranché mais elle sait qu'une telle procédure serait forcément très longue. Après la manifestation du 9 août, viendra le moment de la réhabilitation officielle. Là encore, c'est un chemin de croix. Car même si Lionel Jospin, le premier, a évoqué ce projet de réhabilitation des fusillées pour l'exemple, si Nicolas Sarkozy en avait fait, comme François Hollande, un projet, pour l'heure rien n'a bougé.
De son côté, l'assemblée de Corse, dans une délibération de juillet 2011, après avoir vu le documentaire de Jacky Poggioli, s'est prononcée pour la réhabilitation d'une trentaine de fusillés corses pendant la Guerre 14-18. Car, évidemment, Virgo Luigi ne fut pas le seul à mourir sous les balles françaises. À Talasani, on se bat ainsi pour la mémoire de Sylvestre Marchetti.
En Balagne, c'est pour celle de François Guidicelli. Mais il y en a d'autres : Joseph Tomasini, César-Antoine Colonna-Bozzi, Joseph Gabrielli… À Casabianca, avec le soutien du maire et celui du conseil général de la Haute-Corse, les descendants de Virgo Luigi ont pu se mobiliser pour qu'un nom soit ajouté sur le monument aux morts. Mais d'autres fantômes sont encore à déterrer."
Source: corsematin.com du 7 août 2013
Note de ma pomme: l'article est du 7 août 2013. Désormais, depuis le discours du président de la République ouvrant les commémorations de la Grande guerre, rien ne sera entrepris pour que la nation réhabilite les fusillés pour l'exemple. François Hollande a tranché au profit des baïonnettes et des généraux français qui, dans leurs folles stratégies offensives, conduisirent leurs soldats au massacre.