Crêche Baby loup, ce n'est pas fini
En attendant l'arrêt de la deuxième Cour d'appel
Le temps juridique est redoutablement rapide. Le 17 octobre, l'association Baby-Loup s’est présentée une nouvelle fois devant la justice pour un 2ème appel suite à la décision de la cour de cassation du 19 mars 2013. Le procureur Général, dans ses conclusions, demande la confirmation des deux premiers jugements déboutant la salariée voilée de toute ses demandes, mais nous attendons le délibéré. Pronostiquer n'est pas interdit, mais l'exercice est périlleux. Les juristes s'abstiendraient, mais ne l'étant pas, je m'y aventurerai tout de même.
En l'absence d'une loi que beaucoup pensent nécessaire, le regard de la cour pourrait ne se limiter qu'à la simple validation de la plus haute juridiction et condamner la crèche. En revanche, et même si l'usage veut l'inverse, la cour d'appel a toute légitimité pour considérer que la décision de la cour de cassation n'est pas la bonne et tenter de faire évoluer le droit en lui renvoyant l'affaire. C'est alors l'assemblée plénière qui devra se poser la question de l'évolution du droit en l'absence d'éclairage de l'Observatoire de la Laïcité.
Créé à la demande du défenseur des droits par le président de la République suite à sa déclaration télévisée face à M. Pujadas, ou il indiquait clairement sa détermination à légiférer, cet observatoire, présidé par M. Bianco, observe … le silence. Ce comité Théodule des temps nouveaux, après avoir commis et diffusé un rapport intermédiaire officiellement officieux, fin juin, de sorte qu'il nourrisse l'opinion publique en amont du procès qui se tiendra dans quelques jours, s'est enfin résigné à auditionner la crèche et ce qu'il est convenu d'appeler la partie adverse.
Pour ceux qui pensent encore que ce procès n'est que celui d'une nounou voilée, la partie adverse c'est la nounou voilée. Pour M. Bianco, la partie adverse, c'est la ville de Chanteloup-les-Vignes … Au moins la réalité des enjeux politiques apparaît ici clairement. À la veille des élections municipales, à l'heure où les politiques ne sont plus concentrés que sur leurs stratégies féodales, tous sont prêts à réduire au silence l'arrogante crèche.
Le problème de Baby-Loup n'est pas anodin, ce n'est pas un problème de personnes comme voudraient le faire croire certains. C'est un problème éminemment politique.
L'Observatoire de la Laïcité, le seul qui puisse se prévaloir d'une expertise de terrain et donc de ce titre, se situe aujourd'hui et pour seulement quelques temps encore, à Chanteloup-les-Vignes. C'est Baby-Loup, une crèche qui depuis 22 ans vit et se bat au quotidien pour continuer à offrir à tous et en particulier aux plus démunis une solution adaptée à leur besoins. Baby-Loup s'est modélisée au fur et à mesure des mutations de notre société. Plus qu'un service public, elle en est l'avant-garde et sans doute c'est de ça qu'elle mourra.
Pour ce qui est de l'extension ou non de la laïcité au secteur privé, à l'heure où la marchandisation imposée livre des pans entiers de nos services publics au privé, devrions-nous attendre que ceux-ci se réduisent à peau de chagrin pour proclamer la mort de la laïcité comme nous y invite une partie des laïques arc-boutés sur une ligne dogmatique laïcité = service public ? Cette seule équation rend compte de l'absurde de la posture. Qu'il nous soit amer ou non d'assister à une libéralisation effrénée qui déjà contrarie profondément notre modèle républicain ne devrait pas nous empêcher, bien au contraire, de préserver nos valeurs.
La première qui dit …
C'est donc un problème de calendrier qui devrait avoir raison de cette crèche. Trop en avance, elle a simplement maintenu, avant sa disparition totale, le service public au cœur de la société civile et transplanté la Laïcité là où elle est nécessaire, c'est-à-dire partout.
C'est dommage. À l'heure où M. Peillon réinvente l'École Buissonnière, lui donne une belle charte de la Laïcité, et rappelle ainsi notre unanime et nécessaire attachement à la sanctuarisation de ce lieu où se construisent les citoyens de demain. Il me revient la recommandation de Jules Ferry aux instituteurs quant à la conscience des enfants et à la vigilance qu'il faut pour ne pas la manipuler . Il est vrai qu'ils venaient de les retirer des mains des prêtres qui eux convoitaient alors cette pâte molle que l'on peut façonner à loisir.Protégés après trois ans, l'âge de la scolarisation, mais pas avant trois ans, l'âge de la construction, voilà à quoi je veux résumer le message insensé que pourrait nous livrer la justice.
Didier CROS pour les Libres penseurs de France via Cocomagnanville