L'usine
L'usine était inerte, sans plus aucun bruit:
Sarcophage éteint comme si advint la nuit.
Il semblait que Dieu la créa de sa puissance
Et qu'elle gronderait en toutes circonstances;
Dans son ventre rugiraient le feu et le sang
Pour que s'écoulent les sillons incandescents.
Vulcain pour parrain, la Tour Eiffel sa marraine,
Point ne s'assècherait l'éclat de sa fontaine.
Même les jours sombres et courts, l'horizon amer,
Son coeur palpiterait aujourd'hui comme hier.
Elle était en ce lieu souveraine maîtresse,
Certains lui témoignaient comme de la tendresse.
Elle avait pourtant croqué des vies sans remords,
Animé le courroux sous son ciel retors.
Combien de combats pour atteindre ses entrailles,
Presque à vouloir renverser ses hautes murailles?
Mais, si dans sa chair, on enfonça le couteau,
C'était pour qu'elle fut grande, pas un bourreau.
Pourtant, comme on souffle le crêt d'une chandelle,
Fut tarie l'âme de sa saison éternelle.
Désormais, elle gît comme un cruel tombeau,
Ses seigneurs l'ont scellée, sur son toit des corbeaux.
Parfois, un petit cri dans ce vain paysage,
Mais la rouille poursuit son impérieux ravage.
Dans les alentours, les abeilles se sont tues
Et ce silence dans les âtres dévêtus.