Le 11 novembre: un Mémorial Day à la française?
Le 11 novembre 1918, se terminait la Première Guerre mondiale avec plus de 9 millions de morts dont 1 million et demi pour notre seul pays. Les pertes humaines de la France furent les plus élevées proportionnellement à sa population. A cette hécatombe, s'ajoutent 6 millions de blessés, dont 3 594 000 pour la France et 600 000 invalides, 300 000 mutilés, 42 000 aveugles, 15 000 gueules cassées, 600 000 veuves et autant d'orphelins. Le Nord et l'Est de notre pays sont dévastés par l'occupation allemande et les combats perpétuels qui s'y déroulèrent.
Anatole France écrivait à propos de cette première tuerie mondiale: "On croit mourir pour la patrie et on meurt pour des industriels". En effet, les industriels des belligérants surent profiter de ces massacres en augmentant considérablement leurs profits. Paul Valéry, lui, écrivait: " La guerre est un massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent mais qui ne se massacrent pas". Et Jean Jaurès, avant d'être assassiné à la veille du déclenchement de la Grande Guerre, disait que "le capitalisme porte la guerre comme la nuée porte l'orage".
Nicolas Sarkozy, président de la République, avait décidé que le 11 novembre serait "la commémoration de tous les morts pour la France". Associations d'anciens combattants, historiens et politiques s'étaient insurgés contre cette loi qui facilitait les confusions, gommait les spécificités propres à chaque conflit et légitimait les conflits coloniaux de la France et ses opérations extérieures modernes. Et le 11 novembre 2011, François Hollande s'était rangé à leur indignation en affirmant que "chaque guerre a ses héros, ses sacrifices, ses tragédies".
Or, devenu maître de l'Elysée, il n'est pas revenu sur ce mauvais héritage de l'ère sarkozyste. Pire, son gouvernement va associer en 2014 le centenaire du début de la Première Guerre mondiale et le 70e anniversaire de la Libération de la France.
Ce n'est pas ainsi que l'on transmet les clés des conflits du XXe siècle. Et c'est ainsi que l'on n'enterre pas les amalgames commémoratifs pensés par la droite et le patronat, lesquels furent les acteurs principaux dans la première boucherie mondiale, comme lors de la Seconde Guerre mondiale aux côtés d'Hitler et de la collaboration, ou dans les conflits coloniaux en Indochine, à Madagascar ou en Algérie.