La réunification de la CGT dans la Résistance (1)
La réunification de la CGT, sous l'Occupation, le 17 avril 1943, ne fut pas chose simple. Tout autant fut compliquée la création du Conseil National de la Résistance, sous l'égide de Jean Moulin, le 27 mai 1943. Aussi, ce sera l'objet de plusieurs articles, dont celui-ci:
Avant la réunification de la CGT
Le congrès de la CGT, à Nantes du 14 au 17 septembre 1938, est l'occasion d'un déchaînement d'anticommunisme et d'antisoviétisme de la part du groupe
"Syndicats" dont le chef de file est René Belin qui va être élu numéro 2 de la confédération. Celui-ci s'acharne à freiner toute action contre le gouvernement, défend les accords de
Munich et confirme à la tribune son mot d'ordre: "plutôt la servitude que la guerre". A cette même époque, le patronat a préféré Hitler au Front populaire. Dans la CGT, la Vie
Ouvrière est le porte-parole des syndicalistes contre les accords de Munich et pour le retour aux valeurs progressistes du Front populaire. René Belin deviendra le ministre du Travail du
régime de Pétain.
1939 est à marquer d'une pierre noire dans la vie de la confédération. La grève générale du 30 novembre 1938, contre les décrets-lois Daladier, n'a pas été un succès, à cause des ferments de division qui ont vu le jour au congrès de Nantes. Et de nombreux syndicalistes ont été sanctionnés. En février, les députés, dont la majorité est Front populaire en 1936, repoussent un amnistie des sanctionnés. En mars, Hitler envahit la Tchécoslovaquie suite aux accords de Munich. Les négociations d'un traité militaire entre la France, la Grande-Bretagne et l'Union soviétique s'enlisent à cause de la volonté occidentale de ne pas les faire aboutir. Le Japon attaque l'URSS sur ses frontières de l'Est.
Le 23 août 1939, est annoncé un pacte de non-agression entre l'Allemagne et l'Union soviétique.
C'est alors un déchaînement anticommuniste d'une autre nature qu'au congrès confédéral de Nantes en 1938. Cela devient le trait dominant du
"patriotisme" dans tout le pays.
Dans la CGT, René Belin veut des têtes:"Nous disons qu'il n'est pas possible que les chefs communistes demeurent à la tête du mouvement syndical." Il est entendu dans toute la confédération. Exemple, dans le Mantois, les cheminots déposent de nouveaux statuts à la mairie de Mantes-la-Jolie, ils ont exclu de leurs rangs sa direction membre du PCF. Le 25 septembre 1939, la direction de la CGT, par 24 voix pour, 5 contre et 2 abstentions, exclut les communistes de la confédération qui "n'ont pas voulu ou pas pu condamner" le pacte germano-soviétique. Le 26 septembre, le gouvernement dissout le PCF ainsi que 620 syndicats ou structures syndicales à direction communiste, dont l'Union locale CGT de la région mantaise. Dans cette région, Les conseillers prud'hommes communistes sont déchus de leur mandat. Le 3 septembre, la guerre avait été déclarée et les députés communistes avaient voté les crédits exceptionnels pour cette guerre.
"Le mouvement syndical se libère et s'assainit", écrit Le Peuple, l'organe officiel de la CGT.
Le 7 octobre 1939, Léon Jouhaux, secrétaire général de la CGT, signe avec la Confédération générale du patronat français les accords dits du Majectic, siège du ministère de l'Armement, sur "une collaboration confiante" entre patrons, travailleurs et gouvernement. Le 24 mai 1940, un autre accord est signé avec le patronat pour une "collaboration constante et loyale".
Mais dès le début de l'année, la Vie Ouvrière, tenue par l'ex-CGTU chassée de la confédération et dissoute par le gouvernement, reparaît
clandestinement.
Nombre de syndicalistes de cette tendance ont été aussi contraints de se réfugier dans une existence souterraine. ils ont eu raison.
Après la débâcle des armées françaises et l'armistice du 22 juin 1940, Pétain, par un coup d'état et avec l'aval de la Chambre des députés dont les communistes ont été chassés (569 voix pour les pleins pouvoirs et 80 contre), renverse la République. Le 10 juillet, il devient "Chef" de l'Etat français, avec Pierre Laval comme premier ministre et René Belin comme ministre. Le 5 octobre, une rafle s'exerce en région parisienne et ailleurs en zone occupée par la police française contre des dirigeants de l'ex-CGTU ou du PCF. Pétain fait réquisitionner le sanatorium d'Aincourt, en Seine-et-Oise, pour interner ceux de la région parisienne et les faire garder par des gendarmes français. Beaucoup d'entre eux, désignés comme otages par le régime de Vichy, périront devant les pelotons d'exécution ou dans l'enfer concentrationnaire nazi.
Le 24 octobre, c'est la rencontre à Montoire entre Hitler et Pétain. Celui-ci, dans une émission radio-diffusée entre dans "la voie de la collaboration" avec l'Allemagne Hitlérienne..
Quant aux syndicalistes et aux courants qu'ils représentaient dans la CGT d'avant-guerre, ils connaîtront des itinéraires différents. Certains ont débuté la Résistance contre l'occupant et Vichy; d'autres finiront par les rejoindre; d'autres se perdront dans les ornières de la trahison.
Sous l'Occupation, en mai 1941, des contacts s'établissent entre les partisans de Léon Jouhaux et la tendance communiste. La position des premiers a sensiblement évolué. Si certains, comme Robert Bothereau (futur dirigeant de FO avec Léon Jouhaux en 1947), défendent une "présence" dans les organes "syndicaux" de Vichy, d'autres rejettent la Charte du Travail que veut imposer Pétain et Belin.
Mais c'est l'arrestation de Léon Jouhaux par Vichy, le 26 septembre 1942, puis sa déportation par les Allemands, qui vont précipiter la réunification de la CGT, le 17 avril 1943, dans un petit pavillon du Perreux.
Mais auparavant la CGT "légale" de Léon Jouhaux a beaucoup oscillé. Ce sera l'un des thèmes de l'article suivant.