Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Archives

Publié par Le Mantois et Partout ailleurs

24 mars 1871: vive la Commune de Narbonne!

LA COMUNA DE NARBONA se prononce en occitan la Coumeuno dé Narbourno, tant la langue d'oc est majoritairement parlé dans l'ancien Languedoc à cette époque.

Le 18 mars marque l'anniversaire de la Commune de Paris en 1871. Mais ce mouvement révolutionnaire inspira d'autres villes françaises, dont celle de Narbonne, ma ville natale, 17 000 habitants à l'époque, dans le département de l'Aude, le 24 mars de cette même année.

Lorsque Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République, par son coup d'état du 2 décembre 1851, viole la Constitution et rétablit l'Empire héréditaire, 32 départements sont mis en état de siège par le nouveau pouvoir, dont celui de l'Aude.

Dans la ville, existent deux clubs politiques: Celui de l'Union, conservateur, qui rallie le Second Empire, puis la IIIe République d'Adolphe Thiers; celui de Lamourguier, républicain, qui siège dans l'ancienne église désaffectée du même nom. En  janvier 1871, il se constitue en Club de la Révolution. Baptiste Limouzy, son président, déclare le 22 janvier 1871 : "pour arriver à la République, il faut passer par la Révolution". Invité par le club de la Révolution, le 12 mars 1871, Émile Digeon, journaliste à La Fraternité de Carcassonne, devant une salle comble, lance un appel aux armes pour la défense de la République et à arborer le drapeau rouge.

A la nouvelle de l’insurrection parisienne du 18 mars 1871, le club de la Révolution tente d’engager la municipalité de Narbonne dans le mouvement. Mais le conseil municipal, favorable au gouvernement de Thiers réfugié à Versailles, refuse.

Mais des Narbonnais, en criant "Vive la Commune!", occupent la mairie. Émile Digeon, depuis le balcon, proclame la "constitution de la Commune centrale de l’arrondissement de Narbonne, avec union à celle de Paris". Il en est le "chef provisoire".

1 500 soldats du 52e régiment de ligne sont casernés dans Narbonne. Plus de 200 sont envoyés à l'hôtel de ville pour en déloger les communards. Mais ils fraternisent avec ces derniers. Le commandant du 52e de ligne enferme le restant de ses hommes dans sa caserne pour éviter la contamination révolutionnaire.

La garnison ainsi neutralisée, les communards occupent la sous-préfecture, la gare et le service du télégraphe. Ils télégraphient dans les environs pour exporter la Commune en dehors de Narbonne. Ils vont échouer. La région est fermement tenue par les grands propriétaires viticoles. La tentatives de soulèvement à Perpignan, préfecture des Pyrénées-Orientales, est aussi un échec. La Commune de Toulouse ne tient que du 24 au 25 mars. Carcassonne, Béziers ou Sète reconnaissent le gouvernement versaillais.

Celui-ci envoie la troupe à Narbonne. La fusillade est assassine: 3 tués et de nombreux blessés.

Les soldats versaillais quadrillent militairement Narbonne Des mandats d’arrêt sont lancés, les Narbonnais impliqués emprisonnés. Ceux qui réussissent à s'enfuir sont condamnés à la détention à perpétuité et contraints à se cacher. Plus de 200 soldats favorables aux communards sont arrêtés. Mutés dans des bataillons disciplinaires. 19 sont condamnés à morts, puis graciés par la déportation en Nouvelle-Calédonie. Émile Digeon se rend pour éviter à la ville d'autres exactions militaires.

Le 13 novembre 1871, lui et des prisonniers sont conduits au palais de justice de Rodez. Ils sont accusés d’avoir, du 24 au 31 mars 1871, fait partie d’une bande armée, "laquelle a exécuté un attentat ayant pour but de détruire ou de changer le gouvernement, et d’exciter à la guerre civile, en portant les citoyens ou les habitants à s’armer les uns contre les autres… ".

Au président du tribunal, Émile Digeon déclare : "Personne ne déteste plus que moi la guerre civile. Mais il est une chose que je déteste plus que la guerre civile, c’est la tyrannie." Le président lui reproche alors d’avoir arboré le drapeau rouge. Il répond : "Le drapeau rouge est mon drapeau depuis que le drapeau tricolore a été souillé à Sedan."

Malade et oublié de tous, Émile Digeon meurt le 24 mars 1894, jour anniversaire de la proclamation de la Commune de Narbonne.

Jusqu’au bout, il avait mis en garde les travailleurs contre tous ceux qui flattent le peuple pour mieux le duper : "(…) Au point de vue social, je regarde comme nuisibles à l’humanité tous les individus qui aspirent à gouverner les autres, sous une forme quelconque et surtout ceux qui causent la misère des travailleurs en accaparant les richesses que ces derniers produisent (…)".

C'est toujours d'actualité.

Le 24 mars 1871: vive la Commune de Narbonne

Commenter cet article