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Publié par Le Mantois et Partout ailleurs

La cité des cheminots à Gassicourt

A droite, la cité des cheminots, et la passerrelle enjambant les voies du Havre et l'actuelle rue Pierre-Sémard pour se rendre au dépôt, à ses ateliers et au triage

L'arrivée du chemin de fer en 1843 va bouleverser le petit village de Gassicourt qu'il traverse pour rejoindre la Normandie. Ce petit bourg rural de 270 habitants concentre principalement des agriculteurs et leurs familles sur 10 hectares. Mais les champs, prairies, vignes, culture et bois s'étendent sur plus de 700 hectares.

Des parcelles, voisines de la voie ferrée, vont être vendues à l'industriel britannique William Buddicom qui participe à l'essor du chemin de fer dit de Paris à Rouen. Sur ces parcelles, se construit le Hameau de la Station, à 2 kilomètres de Gassicourt. Un premier recensement indique seulement 3 maisons: celle du chef de gare, celle du buffetier et celle d'un maitre de forge britannique lié à l'industrie ferroviaire.

Ces trois chefs de famille répondent aux priorités économiques de la Compagnie ferroviaire : exploitation de la ligne, production d’un profit par le biais du buffet de la gare et formation des recrues pour le dépôt :

- Louis Duval, marié avec des enfants. Chef de gare, il a en charge l’organisation du trafic voyageurs et marchandises dans le Mantois.

- François Grandjean, buffetier, marié avec des enfants, Romain Brulet, célibataire, cuisinier du buffet de la gare. La Compagnie a passé une convention, contre un loyer et une part sur les bénéfices de l’établissement. Celui-ci occupe toute l’aile droite de la gare et accueille aussi bien les voyageurs qu’une clientèle extérieure au chemin de fer.

- William Wilson, britannique, marié avec des enfants, maître de forge, avec sa domestique anglaise

La formation des agents du dépôt lui est dévolue. Lui et sa petite famille n’apparaissent plus dans le recensement de 1861.

A cette date, le lieudit est dénommé hameau de la cité Buddicom, fort de 18 maisons et de 74 habitants. Parmi eux, des ouvriers du dépôt et des mécaniciens, terme pour désigner les conducteurs. Au chef de gare, se sont adjoints un chef de bureau, un chef de dépôt et son sous-chef.  L’effectif du buffet de la gare s’est renforcé d’un second cuisinier, d’un cafetier et de quatre garçons de salle, preuve de sa notoriété.

Une cité ouvrière constituée.

Le hameau va devenir la cité Buddicom au recensement suivant. Son propriétaire fournit au chemin de fer locomotives et matériel roulant, depuis ses ateliers de Sotteville-lès-Rouen.

Et de faire prospérer son bien, en sollicitant le conseil municipal de Gassicourt, pour faire élargir les sentes en voies carrossables larges de cinq mètres. L’industriel britannique vend ses ateliers et toutes ses propriétés immobilières à la Compagnie de l’Ouest, dont il est actionnaire, en 1860.

 

 Au fil des recensements, les cheminots vont déborder la cité primitive jusqu’à la place de la gare et dans le prolongement de la voie ferrée. En 1896, 376 habitants sont ainsi recensés. Mais en 1901, plus aucun recensement particulier n’est organisé dans la cité Buddicom. Gassicourt est alors d’un seul tenant depuis la mairie jusqu’à la voie ferrée.

 Quelle est l’existence de ses habitants ? Aucune chronique pour la décrire, si ce n’est la ville de Mantes pestant contre des logements insalubres qui « font baisser le prix de l’immobilier » dans la région. En effet, la cité subit l’outrage du temps, la Compagnie de l’Ouest étant fortement endettée à la fin du 19e siècle. Et une délibération municipale l’exhorte à construire un réseau d’assainissement dans sa propriété. Le village en appelle au préfet, en 1890, l’ingénieur en chef des chemins de fer ne répondant jamais à ses courriers, car « la fontaine, établie par la Compagnie pour donner de l’eau à ses locataires, a un égout dont les eaux stagnent sous des émanations infectes, ce qui peut produire des épidémies ».

Autre visage, la description faite en 1899 par l'instituteur des garçons de Gassicourt. Il divise ses élèves en trois tiers : les fils des agriculteurs sont « dociles, bien élevés, d’intelligence moyenne et d’une bonne fréquentation ; ceux des papetiers sont « toujours abandonnés à eux-mêmes, souvent sans direction, peu travailleurs et pour la plupart indociles ; les enfants de cheminots sont « plus vifs et plus intelligents ; mais ceux-ci et la catégorie précédente« forment une population très flottante, fort nuisible à la marche des classes ».

En 1930, les Chemins de fer de l’Etat rénovent de fond en comble la vieille cité et les lotissements attenants. L’ensemble est dénommé les Cités normandes.

Elles ne survivent pas, jouxtant les emprises ferroviaires, aux bombardements de l’aviation alliée intervenus du 20 avril au 8 août 1944.

Aux élections municipales de novembre 1919, Gassicourt s'était doté d'un conseil municipal de "coalition républicaine" de 15 membres, dont 10 cheminots qui a battu la liste sortante d'agriculteurs et de commerçants.

Le nouveau maire était Camille Favier, dessinateur au chemin de fer. Egalement élus Emile Paris, mécanicien, secrétaire de l'Union locale CGT de la région, et Georges Guesdon, ajusteur au dépôt et responsable de l'Orphelinat national des chemins de fer. Tous les trois et deux autres cheminots élus seront révoqués par les chemins de fer à la suite de la grève générale de 1920. Sans emploi et sans logements attribués par le chemin de fer, ils démissionneront de leur poste d'élus et chercheront du travail ailleurs.

Un blog sur des cités ouvrières en Île-France, dont celles sur Mantes-la-Jolie et Mantes-la-Ville. En lien:

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