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Publié par Le Mantois et Partout ailleurs

Lors des évènements de mai-juin 1968, l'ORTF, unique chaine de télévision publique en France, faisait la part belle au pouvoir gaulliste en butte aux revendications des étudiants et des travailleurs. D'où cette affiche:

France 2, chaine publique au service du capital

Aujourd'hui par la grâce du capital, nombre de chaines de télé privées diffusent la propagande de l'argent-roi. France 2, chaîne publique, par ses journaux télévisées, suit les mêmes travers.

Et un journaliste du public passe volontiers sur la concurrence privée et l'inverse est aussi vrai. Le dernier exemple est Marie-Sophie Lacarrau, tête de gondole du JT de 13h sur France 2, passée au JT de TF1 à la même heure.

Le SNJ CGT de France Télévisions a réagi sur le genre d'infos de France 2 à 20 h, après les attaques contre la CGT, lors de la manif du 1er mai dernier:

Décryptage ! C’est ainsi qu’est lancé le sujet du 20h du 2 mai sur l’attaque contre les militants de la CGT, pendant la manifestation du 1er mai. Le reportage commence par un rappel des faits. Jusque-là, tout va bien. Viennent ensuite les explications sur ces violences. On apprend d’abord que la CGT est victime d’une chute de ses effectifs et donc d’une diminution de son service d’ordre. Comme s’il y avait un rapport entre cette haine envers la CGT et la baisse des adhérents. Un décryptage honnête aurait mis en lumière les raisons de cette désaffection : la désindustrialisation du pays, le chômage de masse. Mais les décryptologues de l’info préfèrent donner la parole à un expert, qui va nous expliquer pourquoi la CGT a été traitée de « collabo » : parce qu’elle aurait une réputation de gardienne de l’ordre.

Alors nous allons décrypter le décryptage, c’est-à-dire montrer ce qui est caché derrière l’information fournie par le service public. L’expert en question, Bernard Vivier, n’est pas n’importe qui. Il s’agit d’un catholique fondamentaliste, ancien dirigeant de la CFTC et candidat suppléant sur une liste apparentée Front National dans le Puy de Dôme. Quant à l’Institut Supérieur du Travail qu’il dirige, il a été fondé au lendemain de mai 68, par un ancien collabo, un vrai celui-là, et créé pour former des cadres des grandes entreprises à l’action antisyndicale.

En fait de décryptage, on assiste à une opération de recryptage de ce qui est pourtant très clair.

Le 20 heures fait le jeu, ou joue le jeu des patrons, pour masquer les logiques néo- libérales à l’œuvre dans la décomposition de la société, la cause principale de ces violences. Elle fait le jeu de tous ces pseudo-experts qui depuis des années tentent de discréditer l’action syndicale, et tombe elle-même dans l’anti-syndicalisme primaire. Lorsque les décryptages deviennent à ce point de l’enfumage, il y a de quoi s’interroger sur l’avenir de l’information sur France télévisions. Il y a de quoi s’inquiéter aussi pour la démocratie, pourtant le projet phare de la rédaction nationale. On a là tous les éléments du divorce entre une partie de la population et les journalistes, et le fuel pour alimenter les usines à complotistes.

Ce reportage du 20 heures de France 2 pourra au moins servir de cas d’école pour l’atelier « Expertise », l’un des dix-sept qui composent le projet « Démocratie ». Car de quelle expertise va-t-on parler dans ce think-tank de l’information ? De tous ces noms que se refilent rédacteurs en chefs et chefs de service pour faire passer un message anti-syndical ? Ou de véritables experts maison, des journalistes qui savent de quoi ils parlent parce qu’ils connaissent leur domaine, et que l’on ne berne pas avec n’importe quel expert venu d’une officine obscure ? Il y a quelques années, un directeur de l’information de France Télévisions prétendait que « la spécialisation ne faisait pas partie de la politique de la maison ». Résultat, on met en avant des couteaux suisses capables de réagir rapidement à n’importe quelle actualité, mais facilement manipulables, aussi bien par les experts que par leur encadrement. Il est temps que les choses changent, sinon le projet « démocratie » risque de n’être qu’un vœu pieux.

Le 6 mai 2021.

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