Petite histoire du syndicalisme en France et pourquoi tant de syndicats
Vous remarquerez que ceux qui s'en plaignent aujourd'hui ne sont pas syndiqués du tout. Mais ceci dit, depuis la loi Le Chapelier de 1791, toute association d'ouvriers était interdite en France.
Par la suite, sous la Restauration, le 1er et le Second Empire, le mouvement ouvrier est étroitement surveillé, les grèves et manifestations deviennent de véritables carnages par la troupe. Pour autant, se créent des chambres syndicales et la révolution ouvrière de 1848, réprimée par le sang par la 2e République bourgeoise, marque les consciences du monde du travail. A la chute du Second Empire, les gouvernements réactionnaires suivants dissolvent des organisations ouvrières tels le Cercle de l'union syndicale de Paris en 1872 ou les Chambres syndicales lyonnaise en 1879, et accélèrent la répression.
Ils ne désire nullement que la Commune, abattue en 1871, ne renaisse. La Commune de Paris, mais aussi celles plus éphémères encore qui s'installent à Lyon, Marseille, Narbonne, Saint-Etienne, Limoges, Le Creusot, Toulouse, sont des épisodes uniques du mouvement ouvrier en Europe. Mais elles demeureront les précurseurs des idées révolutionnaires qui amènent les ouvriers à s'organiser, pour se défendre et changer la société. Le retour en France des Communards déportés, amnistiés en 1880 par les Républicains bourgeois au pouvoir, conforte d'autant plus ces idées révolutionnaires et combatives.
Les mêmes Républicains légalisent les syndicats le 21 mars 1884. Mais ils n'espèrent que les contrôler dans cette France du capitalisme naissant. Les statuts doivent être déposés en mairie avec les noms et adresses des dirigeants et le maire doit en aviser obligatoirement le préfet, quand il n'informe pas le patronat de sa propre initiative. Les articles du Code pénal sanctionnant les atteintes à la liberté du travail restent en l'état, patrons et justice en usant au détriment du syndicalisme. Ceci est aussi unique dans l'Europe industrielle.
Malgré cela, les organisations syndicales se multiplient et un Fédération nationale des syndicats se créée en 1886. En 1887, apparaît la Bourse du Travail de Paris et en 1892, la Fédération des Bourses du travail.
Du 23 au 28 septembre 1895, à Limoges, naissance de la CGT, regroupant les Fédérations de métiers, des syndicats et la Fédération des bourses du travail.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, en 1919, la CFTC est créée. Le pouvoir et le patronat s'effraient de l'audience de la CGT, notamment de sa frange révolutionnaire. Ils appuient la formation de la CFTC qui s'organise sur les syndicats confessionnels existants, surtout autour de la doctrine sociale de l'Eglise catholique définie par l'encyclique Rerum Novarum du pape Léon XIII. Celle-ci s'oppose violemment aux idées socialistes et marxistes, tout en composant avec le patronat.
En 1922, la CGT se divise en CGT (réformiste) et CGTU (révolutionnaire), réunifiées en 1936. En 1939, avant le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale, les communistes ou supposés l'être sont exclus de la CGT.
Mais le Régime de Vichy dissout la CGT et la CFTC. La CGT se réunifie en 1943 et les confédérations dissoutes combattent contre l'occupant nazi et le gouvernement collaborationniste de Pétain. CGT et CFTC participent au Conseil national de la Résistance. Elles appellent à la grève insurectionnelle en 1944. A la Libération, forte de ces luttes communes dans la clandestinité et du programme politique issu du CNR, la CGT propose l'union organique à la CFTC. Celle-ci refuse, s'appuyant sur les recommandations du Vatican.
Dans la CGT, les réformistes, majoritaires avant-guerre, conduits par Léon Jouhaux, deviennent minoritaires. Lorsque les ministres communistes sont chassés du gouvernement en 1947, alimentée par des fonds américains et soutenue par le parti socialiste, Léon Jouhaux fonde la CGT-FO. Au même moment, les enseignants quittent la CGT pour former la FEN, Fédération de l'éducation nationale; seul demeure à l'intérieur de la CGT, le syndicalisme de l'enseignement professionnel. En 1944, s'est créée la CGC, Confédération générale des cadres.
Dès lors, le syndicalisme est divisé entre la CGT, FO, FEN et CGC. Mais seuls les statuts de la CGT en font une organisation de masse et de classe luttant contre le capitalisme.
En 1964, la CFDT, Confédération française démocratique du travail, se détache de la CFTC, la jugeant bien trop inféodée à l'Eglise. Elle engage une lutte juridique pour posséder ses biens. Finalement, intervient une conciliation à l'amiable entre elles.
En 1995, la CFDT soutient le gouvernement de droite contre le mouvement social. S'en détachent des éléments qui font fonder SUD. En 1993, la FSU, Fédération syndicale unitaire, s'était détachée de la FEN. Cette même année, se formait l'UNSA, Union nationale des syndicats autonomes dont la FEN et 3 autres syndicats autonomes.
Oui, le syndicalisme français est divisé. Mais lorsqu'une division apparaît, ce n'est que pour affaiblir l'action de la CGT, avec FO, la FEN et la CGC. Et lorsqu'une scission intervient au sein de la CFTC avec la CFDT, au sein de la FEN avec la FSU, ou au sein de la CFDT avec SUD, aucune nouvelle organisation ne songe à se rapprocher de la CGT dans une confédération à terme unitaire. A qui profite la division?
Il faut dire que, depuis sa fondation, les statuts de la CGT, quitte à le rappeler, en font une organisation de masse, engagée dans la lutte des classes et qui combat l'exploitation capitaliste.
Pour autant, la CGT n'a eu de cesse de prôner l'unité syndicale. Les communiqués communs à son initiative, notamment en ce 1er mai 2020, tendent à cette idée.