Il y a silence et silence... Un blog ne se tait jamais, il faut savoir l’écouter par Jean Ortiz
Chuttt...
« Je n’ai rien à dire, mais je veux le dire quand même à la radio». « Je m’appelle Joseph, de Courniou, et j’ai 70 ans ». « Alors Joseph, êtes-vous pour Notre Dame des Landes ou contre les Zadistes ? »
« Je suis contre tous ces marginaux dégueulasses, qui puent, ces énergumènes habillés comme des clowns pouilleux, et rasés à la faucheuse. Ils s’en foutent mille Dieu du progrès. Ils jouent aux paysans et ils n’ont jamais tapé le cul d’une vache. Des anarchistes ! Des communistes ! Ils nous prennent en otages, comme « disent » à la télé. Moi, je leur enverrais l’armée pour dégager toute cette saloperie ». « Merci Joseph de votre spontanéité». « Et la Marine, qu’est-ce qu’elle fout ? »
Sur la plupart des radios, les « micros et antennes ouvert(e)s », en temps réel, remplacent de plus en plus la réflexion, le sens, l’info digne de ce nom. A-t-elle d’ailleurs jamais existé ? A quoi bon donner à réfléchir ? Il faut offrir aux puissants du temps de « cerveau disponible » pour mieux nous aliéner... On connaît ! De plus, comme le « numéro d’appel » est généralement surtaxé, l’apparente couillonnade rapporte gros aux déjà gros. Le « prenez la parole », filtrée au standard, on ne sait jamais... donne l’impression de pluralisme, alors que l’on baigne dans la manipulation totale. Le pauvre pecnot qui téléphone est fier de « passer à la radio », pour répéter ce qu’on lui a flanqué dans la tronche. Mais sûrement pas qu’environ une quarantaine d’hyper milliardaires possèdent autant que la moitié des pauvres de la planète... Trop anxiogène !
La téloche n’est pas en reste... Tout est objet de questions à quelques milliers d’euros pour appâter le télé-citoyen... Des questions aussi intelligentes les unes que les autres, pour la cagnotte... « Pour mille euros, répondez vite à la question suivante : Qui chante « Allumer le feu » : Johnny Halliday ou Michel Platini ? Vous avez jusqu’à 23 heures pour envoyer un SMS à « Radio Fous toi de moi ». Mais, en même temps, ce « tout le monde opine sur tout », « l’antenne est à toi », tient également lieu -un peu- de lien social, fonctionne parfois comme un contrat interactif entre les auditeurs et « leur » radio.
Tout cela pour revenir à ce que je voulais énoncer en commençant à divaguer : je n’ai pas écrit depuis longtemps sur ce blog (ou « blogue », francisé) anté-chronologique, entre forum politique et « égo intime (redondant) boursoufflé ». Un blog silencieux ? Carton rouge ! Et si tu n’écris pas, tu es mort camarade ! Ou alors c’est que le blog fait grève. « Fainéant ! Assisté ! Je t’en foutrais moi du trou de la sécu, de l’Etat-Providence... Sors une bassine et mets-la sous la gouttière. Profite au moins du ruissellement macrono-blogosphérique. Dernier de cordée, va ! » « Tu es pire que ce Macron... lui, son projet sociétal, c’est l’esclavage. »
Le blog reste ce qui te reste quand les fronts principaux te laissent un peu tranquille. Tu blablates... et çà fait des complicités, des amitiés, des nostalgies, des hiers, qui se réactivent. « S’il blogue encor, c’est qu’il... n’est pas mort ». Et toujours communiste. Mais sans aspirer à entrer dans la « blogeoisie ».
Du fond de sa bloguitude, ce n’est pas toujours parce que le bloggeur n’a rien à dire que le blog se tait... « Cau pas deconnar ! » La chute me plaît.
Lundi 21 janvier 2018 sur L'Humanité.fr
Note de ma pomme: "Cau pas deconnar", occitan, se lit caou pass décounnar, il ne faut pas déconner.