Bien triste nouvelle
Hier matin, à la boulangerie, tout le monde avait l'air triste et on m'interpella, sans doute parce que je faisais bonne figure à part de tous. "vous ne connaissez pas la triste nouvelle, vous seriez bien le seul en France", m'asséna mon voisin et moi, penaud, j'acquiesçais, baissant la tête et opinant du bonnet pour entrer dans le rang.
Chez moi, le petit jour levé, j'allumais la radio. Elle déversait à plein jet de la musique classique. Je changeais de station plusieurs fois: même constat. Et dans la téloche, même TF1, qui d'ordinaire inonde votre cerveau de pubs, diffusait la Marche funèbre de Chopin. Je commençais à broyer sérieusement du noir quand l'on frappa à ma porte. "Pas déjà les témoins de Jéhovah", je grondais. Non, c'était un pli spécial venu du palais de l'Elysée.
L'ex-banquier d'affaires, que la droite et la droite, plus la gôche et aussi ceux qui prennent encore des vessies pour des lanternes, placèrent sur son trône, avait réquisitionné tous les emplois aidés pour apporter une bien triste nouvelle à son bon peuple.
Le faire-part de décès était ainsi cosigné:
Sa majesté Jupiter deuxième du nom
Son grand Chambellan Muriel Pénicaud, chargé des affaires du patronat
Pierre Gattaz, conseiller spécial du palais de l'Elysée
contraints et forcés par la conjoncture
annoncent à tous les sujets de France et aussi de Corse
le décès du Code du travail.
La levée du corps se fera au siège de la CFDT où un hommage national sera rendu.
Ni fleur ni couronne et surtout pas de drapeau rouge.
"Merde, noir c'est noir, c'est vraiment pas de bol", je m'écriais. "Pile poil le jour de la mort de Djonny du Tennessee qu'il avait en lui. Ce n'est pas dieu possible!"