11 novembre 1918: ce que disaient le journal l'Humanité et la CGT
Dès le déclenchement de la Première Guerre mondiale, après l'assassinat de Jean Jaurès, dirigeant du parti socialiste qui prônait la paix, les socialistes et la CGT -sauf un minorité autour du journal la Vie Ouvrière de Pierre Monatte- adhèrent à l'Union sacrée avec la droite et le patronat bellicistes.
Pour la CGT, son Comité confédéral national, organisme de direction formé des responsables des unions départementales et des fédérations, par la voix de Léon Jouhaux, secrétaire général, affirme en cette été 1914: "Maintenant que la guerre est déclarée, le CCN rapelle aux groupements ouvriers que la besogne utile et impérieuse de l'heure, c'est l'organisation de la solidarité" pour défendre la France.
La SFIO, le parti socialiste d'alors, donne 3 ministres et bientôt 4 au gouvernement. Le mouvement ouvrier, représenté à cette époque par les socialistes et la CGT, sombre dans la collaboration de classe.
Si la guerre prend fin en ce 11 novembre 1918, l'Armistice consacre aussi la victoire des impérialismes français, britannique et américain et le partage du monde à leurs façons, découpage colonial dont on mesure encore les répercussions dramatiques aujourd'hui.
Dans son édition du 12 novembre 1918, l'Humanité journal socialiste salue la victoire et la république allemande, comme la république universelle.
Sur la même page, au nom de son Comité confédéral national, la CGT s'exprime ainsi: "Au prolétarait organisé. la CGT salue l'évènement de la république allemande.
Cet évènement historique doit marquer la fin du règne de la force et ouvrir l'ère de la réconciliation des peuples.
L'acte révolutionnaire du peuple allemand fixe l'attitude des classes ouvrières des pays de l'Entente qui doivent exiger de leurs gouvernements, aujourd'hui plus encore qu'hier, que la paix se fasse sur le principe de la liberté des peuples à se déterminer eux-mêmes. (...)
Un devoir incombe aux prolétariats des pays de l'Entente: s'opposer à tout entraînement chauvin et ne pas permettre que, sous prétexte de "maintenir l'ordre", les forces militaires alliées agissent contre les régimes nouveaux que les peuples de la Russie, de l'Allemagne, de l'Autriche-Hongrie se sont, au prix de sacrifices, librement donnés.
Cela, nous en avons la certitude, la puissante Internationale ouvrière, enfin reconstituée, saura l'obtenir. (...)"
Ces déclarations des socialistes français demeureront un voeu pieu. En Allemagne, les socialistes au gouvernement brisent par le sang et la prison l'élan révolutionnaire débuté en 1917. En Russie, ils s'allient avec les forces contre-révolutionnaires et les armées alliées qui ont envahi le pays. Bientôt, ils défendront en France les guerres coloniales.
Dans la CGT, en 1918, par souci d'unité, les minoritaires, dont le nombre s'est amplifié au cours de la guerre, ne souhaitent pas remettre en cause la position de la CGT durant l'Union sacrée. Cela ne tiendra pas et adviendra la scission en 1922 entre réformistes et courant révolutionnaire, la CGT pour les premiers et la CGTU pour le second.
Depuis, les réformistes sont toujours dans le même camp, que ce soit en politique ou dans le syndicalisme. Ceux qui se disent ne pas être de ce bord-là, feraient bien de se remémorer cette partie de l'histoire sociale de la France.
Et l'Internationale ouvrière, devenue l'Internationale socialiste, existe toujours. Elle fédère tous les partis socialistes, qu'ils soient seuls au gouvernement ou alliés au pouvoir avec la droite, ou dans l'opposition après avoir fait une politique de droite lorsqu'ils étaient aux affaires comme en France.