Hommage à Georges Séguy
Permettez-moi, mes amis et camarades, que j'y joigne ma modeste plume.
Lorsque je débarque en mars 1972, au dépôt SNCF de Mantes-la-Jolie, je suis vaincu par le chômage endémique dans mon Narbonnais natal et inscrit à l'encre rouge dans les registres des Renseignements généraux, la police politique qui ne dit pas son rôle.
Enfant de la classe ouvrière, petit-fils d'un dirigeant anarchiste catalan durant la guerre d'Espagne et fils d'un délégué du personnel CGT, après le mouvement social de mai-juin 1968, je fus l'un des membres fondateurs de l'Union nationale des comités d'action lycéens. Ce syndicat fédérait tous les lycées de Narbonne. J'avais aussi créé un cercle de la Jeunesse communiste dans mon village de Port-la-Nouvelle et intégré la direction locale de l'Union des Vaillants et des Vaillantes, devenu les Pionniers de France, mouvement de l'enfance progressiste et démocratique.
Je n'avais jusqu'alors rencontré Georges Séguy que par l'intermédiaire des médias et ma lecture de la presse communiste.
En arrivant au dépôt de Mantes-la-Jolie, le chef du bureau administratif, l'un des cadres dirigeants, me reçoit. Il m'informe alors que je suis dans un dépôt de "rouges" et que je dois m'écarter de cette engeance comme de la peste. Mes tests psychotechniques pour intégrer le chemin de fer faisaient que je pouvais postuler à être chef-mécanicien, l'encadrement des tractionnaires.
Lors de la visite du dépôt, le chef du bureau me présenta à un conducteur délégué CGT. Une fois mon mentor parti, tout naturellement, je demandais à me syndiquer. Il me fut répondu que je n'étais pas commissionné, plus encore, je n'avais pas réussi mon exament d'agent de conduite. Profondément amer, j'ai renouvelé ma tentative. Toujours le même refus.
Avant mon exil en région parisienne, j'étais monté à la Fête de l'Humanité pour participer au stand du PCF de l'Aude. J'avais servi à table Georges Séguy. Bien qu'originaire de Toulouse, ses parents étaient audois comme moi. Mais comment ne pas faire une entorse à son département natal devant un cassoulet de Castelnaudary, un plat d'escargots des Corbières, le tout arrosé d'un cru de ce pays, avec en prime la blanquette de Limoux? Nous avions chanté Se Canto, le chant qui unit toute l'Ocitanie et l'Internationale. Ce fut mon unique rencontre avec Georges Séguy pour l'heure.
Dans mon dortoir des célibataires SNCF à Mantes-la-Ville, je ressassais ce souvenir-là et le fait qu'on m'interdisait de me syndiquer à la CGT. J'ai écrit alors à Georges Séguy en personne, il n'était plus le responsable national des cheminots CGT, mais le secrétaire général de la confédération. J'y ai expliqué mon cas.
Quelques temps après, je dormais dans ma piaule, après avoir assuré une tournée de nuit finissant à 5 heures du mat, comme aide-conducteur. On heurte fortement ma porte, ébranlant tout le bâtiment en contre-plaqué que la SCNF offrait à ses agents célibataires.
J'ouvre: Maurice Révillion, conducteur en titre et responsable de la CGT dans le dépôt. Après une engueulade carabinée sur le fait qu'il n'aimait pas être surpris de la sorte par la direction de son syndicat, j'ai signé ma première carte syndicale à la CGT.
J'ai évoqué ceci avec Georges Séguy, lors de l'une des rencontres nationales de l'Institut CGT d'histoire sociale dont il était le père-fondateur et le président d'honneur.
En 1972, j'ai mis le pied dans l'étrier pour l'action syndicale et la lutte des classes pour un avenir meilleur. Je n'ai jamais été chef-traction. Je suis encore militant à la CGT bien que je sois en retraite. Pour que demain, enfin les lendemains chantent pour l'humanité. J'appartiens également à l'Institut CGT d'histoire sociale, parce que l'étude du passé éclaire le présent.
Merci Georges.
Ci-dessous, l'un de ses nombreux ouvrages: